Livre « Schaerbeek de l’ombre vers la lumière ». Introduction

Il y a des moments qui restent, qui s’impriment sur la rétine du temps, qui résistent à la moulinette de l’oubli. Ce fut le cas de ce jour d’avril 1991 quand une jeune fille de 15 ans vint frapper à la porte de mon bureau avec un ballotin de pralines, en me lâchant : « Tu resteras toujours pour moi l’Echevin de la Jeunesse. »

Je fus extrêmement ému. Yasmina venait d’apprendre le retrait de mes attributions d’échevin par le Collège échevinal de Schaerbeek à la radio. Je l’avais rencontrée lors du programme « Eté jeunes » (activité durant les mois d’été financée à l’époque par le Ministère de Valmy Feaux). Au début, Yasmina et ses frères et sœurs avaient été assez  insupportables, il faut bien l’avouer. Mais par la suite, un réel climat de confiance avait débouché sur une collaboration lors des activités proposées. Yasmina, sans le savoir, fut le premier des petits ponts qui m’ont donné la foi de résister et de décupler ma motivation.

1987-2017. Un bail dans la vie d’un homme. Trente années durant lesquelles ma vie a été mêlée intimement à celle de Schaerbeek. Que le temps passe vite et que de chemin parcouru, me suis-je dis récemment ! Devenu échevin à 32 ans en janvier 1989 dans un contexte politique assez surréaliste, j’ai très rapidement cerné les contours des jeux politiques en présence et les baronnies des uns et des autres, dont les motivations étaient parfois bien éloignées de l’intérêt de tous.

Avant de vous raconter cette histoire, sachez que lorsque je suis entré dans la vie politique locale schaerbeekoise, je n’étais pas tout à fait novice puisque j’avais déjà  été élu comme conseiller communal à Saint- Josse de 1982 à 1987. A l’époque j’étais un indépendant qui avait dû reprendre très jeune (trop jeune !) et par la force des choses l’imprimerie familiale, suite au décès de ma mère. J’avais, je pense, un certain bon sens mais j’éprouvais aussi un fort sentiment de révolte face aux difficultés de la vie quotidienne.

Ce parcours politique fut le début d’un long chemin sinueux, parfois tortueux, souvent compliqué mais au final toujours passionnant, qui au fil des années m’a permis de me transformer et ensuite de participer à la métamorphose de Schaerbeek la grise en une commune où il fait franchement désormais franchement bon vivre.

Durant ce long parcours, j’ai parfois réalisé des choses surprenantes réputées impossibles. Je me souviens notamment du « roi Pelé » que j’ai persuadé de venir sur la plaine du Renan, qui n’était pourtant à cette époque qu’un terrain vague sur lequel des gamins jouaient au football. Il m’arrive aujourd’hui, de temps en temps, de croiser ces gamins devenus adultes. Ils me parlent tous de Pelé avec une formidable émotion et le sourire aux lèvres.

J’ai croisé sur mon chemin politique schaerbeekois un nombre impressionnant de personnes de tous horizons, de tous âges et de toutes origines. Ils m’ont tous appris quelque chose et c’est sans aucune réserve que je les remercie  pour cela. Dans la vie, on a parfois la chance de croiser la route de « belles »personnes, de personnes au grand cœur, qui s’investissent pour les autres, qui sont dotées d’un dynamisme à toute épreuve. Mais on rencontre aussi des personnes plus fragiles que la vie n’a pas épargnée. Toutes ces rencontres ont nourri mon expérience et façonné mes relations avec ma commune. Je souhaite être leur témoin privilégié.

Après une longue réflexion, et de nombreux encouragements, je me suis décidé à partager l’histoire de ce parcours de trente années. Un parcours, vous le verrez, assez atypique et plein de surprises. Tantôt comme acteur tantôt comme spectateur, j’ai suivi pas à pas la révolution progressive d’une commune dont la réputation avait été durablement ternie par de tristes pratiques, comme vous le verrez bientôt.

L’objectif de cette narration n’a rien de nombriliste. Je ne verse pas dans l’égocentrisme. Il s’agit humblement de raviver le souvenir, de se rappeler, de partager avec vous des moments tantôt magiques tantôt durs et sombres, des anecdotes. Je le ferai avec toute la fougue et l’enthousiasme dont je suis capable. Parfois comme spectateur parfois comme acteur de l’histoire récente de notre belle commune.

Dernier point avant de me lancer dans ce récit. Je m’adresse aussi et surtout à tous ceux de moins de 30 ans qui n’ont pas pu connaître cette époque si particulière et aux Schaerbeekois plus récemment installés dans notre commune.

Bonne lecture !

Jean-Pierre Van Gorp