Episode 6 : C’était au temps où Schaerbeek découvrait…

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Première partie : Insouciance – Episode 6

En 1978, des amis me proposent de les accompagner durant les vacances de Pâques aux sports d’hiver à la station des Alpes Les Gets dans un hôtel « La Grande Lanière » propriété de la commune d’Auderghem. Quelle joie de découvrir la montagne enneigée, et le plaisir de la glisse. Le séjour est organisé par une association à la tête de laquelle se trouve un tout jeune échevin Didier Gosuin. Le courant passe bien entre nous et je fais plusieurs connaissances au sein du groupe des skieurs. J’y prendrai part durant plusieurs années.

Je garde très sincèrement de merveilleux souvenirs de ces séjours aux Gets qui pourraient s’apparenter au film « Les bronzés font du ski » tellement nous étions débordants d’imagination au moment de mettre de l’ambiance à l’hôtel et dans la station. J’ai depuis toujours pu compter en cas de besoin sur la présence et les conseils avisés de Didier Gosuin et je lui en suis très reconnaissant.

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Hormis mon escapade annuelle à la neige, je dispose de moins de temps pour mes loisirs. Je travaille en effet de plus en plus pour payer mes emprunts, faire tourner l’imprimerie et payer le personnel. Quel stress chaque fin de mois au moment du paiement des salaires alors que certains clients n’ont pas encore honoré leurs factures.

J’ai toujours aimé m’amuser et regrette qu’aujourd’hui dans le contexte de morosité qui prédomine et à l’heure des réseaux sociaux poussés à leur extrême, il ne soit plus réellement possible de s’amuser comme un bout-en-train sans que cela ne suscite ensuite commentaires et jugements.

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Depuis mes 18 ans, j’adorais organiser des soirées dansantes. Toutes les occasions me donnaient un prétexte. Pour les réveillons de 1976 à 1981, la fête avait lieu en la Salle Sainte Elisabeth près de la Cage aux Ours. Lors de la première édition, nous étions une petite cinquantaine. Trois ans plus tard, nous étions 150. Les idées originales pour passer le cap de l’an neuf ne manquaient pas : apéro dans un tram pour une promenade stibienne d’une heure en ville ou apéro dans deux bus anglais à Impériale.

Pour les 100 ans de la paroisse Sainte Elisabeth, nous mettons en place avec l’unité scouts et des guides trois journées de fête baptisées « La Fête du défi ». Pourquoi défi ? Car organisé dans tout le quartier les 16, 17 et 18 novembre aux portes de l’hiver, dans un quartier où il n’y avait pas beaucoup de commerces et enfin un défi d’un point de vue financier. Au final, du jamais vu dans le quartier : du vendredi au dimanche 20 degrés, le sponsoring des commerçants et entreprises des alentours, et enfin une participation massive à toutes les activités dont un tournoi de volleyball mémorable dans la rue d’Anethan.

Le réveillon 1981-1982 est une catastrophe totale. Nous sommes plus de 500 inscrits. Dès lors, plus question de la salle Sainte Elisabeth trop exigüe. Michel Géoris que j’avais rencontré au Bal du Bourgmestre et que je fréquentais régulièrement, me présente lors de l’inauguration d’une grande discothèque près de la place de la Chapelle un certain Serge, patron des lieux qui s’avèrera par la suite être un escroc.

De fil en aiguille, nous convenons d’organiser le réveillon chez lui. Concrètement, il fournit le lieu, les buffets ainsi que les boissons durant le repas pour 500 convives. Je lui verse un acompte de 50% et nous convenons du timing.

Le jour venu, nous décorons la salle pendant l’après-midi, l’apéro est organisé au « Chat Blond », un estaminet voisin à 19h. Il est prévu ensuite de faire une parodie d’enterrement de l’an 81 avant de fêter la naissance de 1982.

L’apéro est lancé et les invités arrivent mais le traiteur n’est pas encore là. Mon inquiétude grandit en voyant arriver une R4 avec quelques plateaux de boudins et crudités. Je questionne le livreur pour savoir où reste le buffet. Et là, c’est le gouffre : le patron de la discothèque n’a en fait commandé qu’un petit buffet très basique pour 200 personnes…

Vous imaginez la suite : les invités en colère, le patron menaçant parce que je lui avais signifié que je ne payerais pas dans ces conditions le reste du solde. Bref, une pagaille générale, un vaudeville dramatique et pour moi un terrible sentiment d’avoir été roulé. Quelle colère, quelle tristesse face à ce ratage spectaculaire. C’est ce jour-là que j’ai appris que ce qui ne tue pas, renforce.

Dans sa lancée Michel Géoris me présente Robert Hendrick, le fondateur en 1978 de l’UDRT (Union Démocratique pour le Respect du Travail). C’est un tribun très charismatique, déterminé et révolté par les dérives du système. Pugnace, franc, je retrouve dans le parcours atypique du président Emmanuel Macron les grandes lignes de vie de Robert Hendrick mais c’était un autre siècle.

Michel Géoris joue le rôle d’éminence grise au sein de l’UDRT et à ce titre arrive à convaincre le président de créer une liste UDRT à Saint-Josse pour les élections communales de 1982.

Géoris loue un appartement à Saint-Josse et m’embarque dans son aventure digne d’un film à petit budget. Je m’éloigne alors un peu de Schaerbeek pour mieux y revenir plus tard. Sans le savoir, j’avais en l’espace de quelques mois rencontré les deux personnes qui allaient guider mon engagement politique. L’une incarnait l’ombre et l’autre la lumière.

A demain.