Episode 17 : C’était au temps où Schaerbeek cauchemardait…

aaa jpvg caricature 17

Deuxième partie : Prises de conscience – Episode 17

A l’annonce du départ de Roger Nols, une réunion du collège est organisée en urgence, présidée par le premier échevin Léon Weustenraad, qui fut longtemps pressenti comme dauphin du Bourgmestre. Mais après cette démission inopinée faite sans successeur désigné, les cartes sont rebattues. Très rapidement, le leadership du dauphin est remis en cause par Claude Paulet qui se sent pousser des ailes. Le président du CPAS Francis Duriau, qui s’était invité à la réunion, entre lui aussi dans la danse avec plus de diplomatie que Paulet. Ce qui, il faut bien le dire, n’est guère compliqué.

La lutte pour le pouvoir commence et tous les coups sont permis. Pour être présenté comme candidat Bourgmestre, il faut que le candidat obtienne une double majorité : tout d’abord celle du Collège puis celle du Conseil communal.

On se retrouve en présence du loup, du renard et de la belette. Paulet (ci-dessous à gauche avec des lunettes) dans le rôle du loup, Francis Duriau (ci-dessous au premier rang) dans le rôle du renard et enfin Léon Weustenraad dans celui de la belette. Face aux deux autres, Weustenraad ne fait clairement pas le poids. Il décide néanmoins de s’accrocher et de se battre, estimant que le statut de Premier échevin fait de lui le dauphin « désigné » de Nols et que dès lors le maïorat lui revient de droit.

AAA JPVG Photo épisode 17 bis

Quant à Francis Duriau, je ne le connaissais pas bien à l’époque. Il fut tout d’abord Echevin des Affaires sociales avant de succéder au CPAS à Willy Authom qui jouissait d’un grand respect et dont ses pairs reconnaissaient ses qualités de gestionnaire. Il dirigea le CPAS jusqu’à son décès en 1981.

En devenant président du CPAS, Francis Duriau hérite d’une structure performante.  Il transfère vers le CPAS une grande partie de ses anciennes compétences des Affaires sociales et continue à les développer. Durant plus de 8 ans, loin des turbulences de la place Colignon, il maintient une structure forte et puissante, aux méthodes de travail différentes de celles du Collège et de Roger Nols.

Il gère également le dossier complexe et difficile de l’hôpital de Schaerbeek qu’il arrivera à sauver des années plus tard grâce à sa pugnacité. Très rapidement, il crée des satellites gravitant autour du CPAS. Il y a d’abord « Aide aux Familles », une ASBL qui fonctionne encore aujourd’hui et qui envoie des aides ménagères aux personnes qui en ont besoin. Il met en place également Pater Baudry, une ASBL également toujours active qui continue à proposer des activités pour seniors dans deux centres de jour. Enfin, « Soins à domicile » est une structure qui proposait des soins infirmiers à domicile. Elle fut dissoute en 2001, n’ayant pas survécu à la réorganisation voulue par Ecolo qui héritera de la gestion du CPAS après les élections d’octobre 2000. Nous en reparlerons en temps voulu.

Ces structures satellites offrent des services à un grand nombre de personnes, ce qui donne à Francis Duriau l’image de quelqu’un de très humain et compétent. Il acquiert au fil du temps une notoriété certaine, à laquelle s’ajoute un bon sens politique. Autant dire un profil qui n’existait pas alors au Collège…

AAA JPVG Photo épisode 17 Tri

Dans la Salle du Collège, le ton monte et Léon Weustenraad est rapidement renvoyé dans les cordes. Claude Paulet éprouve de grosses difficultés pour convaincre, lui qui a pourtant l’habitude d’imposer ses choix sans discussion ni états d’âme. Face au calme, à la pondération et à l’écoute de Francis Duriau, il paraît de plus en plus faible malgré son ancienneté au Collège. Le président du CPAS se positionne comme celui qui rassure.

Sentant le vent tourner, Claude Paulet demande une suspension de séance d’une heure. Chacun des candidats met à profit ce laps de temps pour sonder les autres échevins par des contacts bilatéraux afin d’atteindre la majorité. Claude Paulet ne prend même pas la peine de venir vers moi. Il faut bien admettre qu’il fait preuve de lucidité en m’évitant, car je n’ai aucune envie de le soutenir.

Francis Duriau m’approche en essayant de me convaincre. Mais comme je l’ai déjà dit, je ne le connais pas bien à cette époque. En tout cas pas suffisamment pour le soutenir.

Je m’en vais discuter avec Léon Weustenraad qui se trouvait un peu à écart. Je lui suggère de retirer sa candidature en attirant son attention sur le risque de devoir gérer un Collège composé de fauves aigris et ingérables. A-t-il pensé à sa santé ? Mes inquiétudes sont hélas prémonitoires, car Léon Weustenraad allait décéder quelques temps plus tard dans mes bras…

Le voyant m’écouter avec attention, je lui dis que s’il tient absolument à la charge de bourgmestre, je le soutiendrai. Ces mots ont sur lui un effet salutaire et il affiche un grand sourire.

Sur le moment, je pensais sincèrement qu’il n’avait aucune chance de l’emporter. Mais j’avais du respect pour sa pugnacité et je doutais que d’autres échevins le suivraient.

Lorsque nous reprenons la réunion, un premier vote est organisé. Il confirme mon impression. Le résultat est sans appel : 5 votes pour Francis Duriau, 3 votes pour Claude Paulet et enfin 3 votes pour Léon Weustenraad.

AAA JPVG Photo épisode 17

Paulet, comme à son habitude, se rebiffe et refuse le résultat. Il tonitrue et attaque Duriau. Puis il propose de retirer sa candidature à condition que Léon Weustenraad soit bourgmestre durant 2 ans et qu’ensuite il démissionne au profit de Duriau. C’est finalement cette solution qui est choisie à la majorité. Elle va signifier pour moi 30 mois de cauchemars !

AAA JPVG Photo épisode 18 tri

Ajoutez à cette période déjà chaotique, l’annonce du décès de l’ancien bourgmestre Gaston Williot. Installé à l’âge de 13 ans à Schaerbeek avec sa famille, il avait intégré l’administration communale tout en poursuivant des études de journalisme, devenant ensuite rédacteur en chef de la Dernière Heure. A 35 ans, il fut échevin des finances puis pendant 17 ans échevin de l’Instruction publique. C’est lui qui avait impulsé la création de l’école Chazal où est dispensé un enseignement spécial. En 1963, il succéda à Fernand Blum comme Bourgmestre de Schaerbeek jusqu’en 1970 où Roger Nols lui ravit le poste.

Ses funérailles solennelles mirent la maison communale en émoi avec tous les préparatifs car sa dépouille y fut exposée. Gaston Williot fut enterré au cimetière de Saint-Josse conformément à ses dernières volontés car celui-ci se situe sur le territoire de Schaerbeek si cher à son coeur.

A demain.