Episode 26 : C’était au temps où Schaerbeek luttait…

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Deuxième partie : Prises de conscience – Episode 26 

C’est en 1990 que le législateur a modifié la loi sur la majorité qui passe de 21 à 18 ans. Ce changement dans la loi a des implications graves pour Marianne qui termine ses études secondaires. Elle réside dans un orphelinat depuis 11 ans. Tout allait bien jusqu’au moment où le directeur de l’établissement l’informa que dès février, elle ne pourra plus être hébergée suite à la nouvelle loi. C’est ce que l’on appelle pudiquement « des dégâts collatéraux »…

L’éducateur qui l’accompagne attire mon attention sur le fait que la seule dérogation à la règle est que le jeune ait commis un délit avant ses 18 ans ! Je suis bien évidemment interpellé et cette information fait immédiatement flash dans ma tête. Je profite de la présence d’une équipe de télévision à qui j’explique cette situation kafkaïenne.

Nous imaginons donc une opération commando, un matin, chez le ministre Wathelet : Marianne sonnerait à la porte et lui jetterait de l’eau pour s’en excuser ensuite et lui faire comprendre qu’elle n’a pas d’autre choix pour pouvoir rester dans son home.

Visite fut rendue chez le ministre mais sans jet d’eau, les caméras de télévision suffirent. La loi fut adaptée, permettant à Marianne et aux autres jeunes dans le même cas de terminer leurs études sans devoir en arriver à commettre des délits. Comme quoi il y a dans la vie de chacun des jours où on a l’impression d’avoir été utile… et cela fait du bien !

Malgré l’aide de nombreux bénévoles, ma petite équipe est épuisée. Cela fait bientôt 20 mois qu’elle porte projet sur projet tant au niveau administratif que sur le terrain. Mais il faut absolument tenir le rythme, car nous avons en perspective une grande soirée de gala « Bouton blanc » au cirque Bouglione fin de l’année.

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Fin novembre, je suis contacté par le cabinet de Charles Picqué, qui m’explique que dans le cadre du budget « intégration », il y a la possibilité d’obtenir un subside de 8 millions de francs belge (200 000 €) soit 500 fois mon budget annuel pour financer un projet d’intégration cohérent.

Avec Robert, nous travaillons d’arrache-pied durant deux jours sur un projet crédible impliquant tous les échevins selon leurs compétences. Le projet consiste à choisir deux quartiers de la commune et développer deux expériences pilotes, en y renforçant tous les services, (plus de balayeurs, de police, des éducateurs, etc), le tout couplé à une dynamique associative.

Avec recul, ce projet était précurseur et annonçait la politique des contrats de quartier, qui sera mise en place fin des années 1990 par la Région de Bruxelles-Capitale.

Le dossier est envoyé à la Région. Le Bourgmestre est invité au cabinet du Ministre et en revient plutôt convaincu, mais c’était sans compter sur la volonté d’immobilisme de certains membres du Collège.

Il s’ensuit des discussions sans fin et fratricides au Collège, parfois d’une violence extrême tant dans les propos que dans les prises de position. La pomme de discorde réside dans la possible perte d’autonomie communale, redoutée par certains. Une partie du Collège demeure très méfiante à l’égard de la Région et ne supporte pas qu’elle s’immisce dans les affaires communales. Pour apaiser les plus irréductibles, le Bourgmestre Weustenraad propose que l’échevin Bernard Guillaume reprenne le dossier en main et le retravaille.

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A force de compromis et de discussions stériles, le Collège accouche d’un projet qui au final n’a désormais ni queue ni tête. Les associations schaerbeekoises rencontrent le Bourgmestre avec de nouvelles propositions. Dans le même temps, les plus durs du Collège en appellent aux bons conseils de Roger Nols.

Toute cette pagaille schaerbeekoise commence à irriter la Région. Elle décide cependant d’octroyer un délai supplémentaire à la Commune, espérant que cela permette de sortir de l’impasse.

De mon côté, inquiet de la tournure des événements, je propose une solution : si Schaerbeek refuse le subside régional, qu’elle fasse passer le budget Jeunesse de 400 € à 200 000 €, montant qui correspond au subside régional. Ainsi, la Commune resterait indépendante de la Région, tout en se montrant ouverte à la jeunesse.

Ma suggestion provoque des hurlements en séance : Jacques Nimal en charge des Finances, sort du bois et demande de transférer Robert, mon chef de cabinet au service des finances. S’en suit presque une altercation de hooligans dans un stade de football. In extremis Léon Weustenraad arrive à « sauver » mon chef de cabinet mais il en sort affaibli et moi totalement désabusé. Mais ce n’est qu’un début.

A demain.