Episode 29 : C’était au temps où Schaerbeek tronçonnait…

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Troisième partie : Action consciente – Episode 29

En ce matin du mardi 9 avril 1991, règne dans la maison communale une ambiance étrange. Il ne manque plus que l’orchestral des Dents de la mer…

Tout d’abord, ce coup de téléphone du Secrétaire communal, Jacques Bouvier qui a pris la difficile succession d’Henri Legein, dans un contexte politique proche de celui des Balkans dans les années 90. Cette fois-ci, c’est son baptême du feu : comment rester le garant des actes posés par le Collège, dans cette succession de décisions d’ordres et de contre-ordres et dans un contexte plus que surréaliste ?

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Il me dit que j’ai été fort imprudent en envoyant un document à la Région sans l’aval du Collège. Je lui réponds que j’en suis conscient et que j’en assume la responsabilité. A sa demande, je lui passe Robert Van Brussel, mon chef de cabinet.

Lorsque celui-ci raccroche, le teint pâle, il m’informe que Nicole Sanderson et lui ne font plus partie de mon cabinet. En me faisant un clin d’œil, il ajoute « Et  interdiction de t’adresser la parole ! ». Je crois rêver mais c’est un vrai cauchemar qui m’attend deux étages plus haut dans la salle du Collège où je suis convoqué.

Il est 9h45 lorsque je pénètre dans la salle. Une réunion est en cours. Bizarre. En temps ordinaire, la réunion hebdomadaire du mardi ne débute qu’à 10h30.

L’échevin Paulet me demande de sortir de la salle. Je refuse, car en présence du Secrétaire communal un échevin ne peut pas être exclu d’une réunion du Collège. Il grogne quelques instants puis décide de transformer la réunion scabinale en réunion de majorité. Je sors donc de la pièce avec le Secrétaire communal.

Je retourne dans mon bureau où c’est panique. Des collaboratrices du service Affaires sociales sont en pleurs. Je tente de rester calme et de rassurer. En fait, je n’en mène pas large. J’ai le ventre noué et des frissons dans le dos. On m’apporte tous les dossiers importants ainsi que les différents listings et document utiles. Je me dis que ce qui est dans mon cabinet est en sécurité.

A 10h20, le Secrétaire communal me prévient du début de la séance du Collège. Je remonte et vais m’installer à ma place comme si tout était normal à ma place. J’ai l’impression que je vais subir un interrogatoire à la Pinochet. Pour moi, le plus dur est de pouvoir garder mon calme.

C’est le bourgmestre Léon Weustenraad qui prend la parole en premier lieu. Il est visiblement très mal à l’aise. La réunion de la majorité qui a précédé, l’a ébranlé. Il m’explique qu’il est formellement interdit de prendre des décisions ou d’envoyer des documents concernant la Commune sans l’accord préalable du Collège. Et c’est clairement ce que j’ai fait en envoyant le dossier pour le subside jeunesse à la Région. Le fait que le dossier entre dans mes compétences n’y change rien. J’ai commis un acte illégal. Je lui rétorque qu’il n’était plus possible de laisser la situation dégénérer de la sorte avec des atermoiements continus qui nous privent du subside. Je lâche même que cela pourrait être assimilé à de la non-assistance à personne en danger.

Ma réponse rend mes collègues proches de l’hystérie à l’exception d’Edward De Jaeger et Philippe Op de Beek. Ce dernier est sans doute le seul à prévoir le « foutoir » qui va suivre.

Plusieurs échevins prennent la parole pour me dire tout le mal qu’ils pensent de moi. Vers 11 heures, je me permets de poser une simple question : « Que faisons-nous maintenant ? » Le Bourgmestre me répond : « Toi, plus rien. Nous retirons tes attributions, ton personnel et ton budget ».

Il me signale également que je n’ai plus accès aux documents qui ne se trouvent pas dans mon cabinet. Je suis content d’avoir été prévoyant à ce sujet. Il conclut en me disant : « Malheureusement, nous devons te laisser ton cabinet et un téléphone. »

Je leur demande s’ils sont sérieux. A cela, on me répond que c’est moi qui ne l’ai jamais été. Je prends mes affaires et me lève en leur souhaitant ironiquement une bonne réunion. Devant la porte, l’échevin Bosquet m’attrape par la manche et me dit « Jean-Pierre, on récolte ce que l’on a semé ». Je lui répondrai 43 mois plus tard…

A demain