Episode 30 : C’était au temps où Schaerbeek pleurait…

Troisième partie : Action consciente – Episode 30

Dans mon bureau règne une ambiance de mort. Je décide de téléphoner à Didier Gosuin. Je lui explique rapidement la situation. Il me dit qu’il arrive immédiatement et qu’il faut organiser une conférence de presse ce matin encore.

On m’apporte un listing d’une quarantaine de médias. Avec mes collaborateurs qui en fait ne le sont plus, nous nous partageons les tâches pour les contacter. Rendez-vous est fixé à 12h30 pour un point presse au Laudy Pub, établissement situé 13 avenue docteur Dejase.

Entre temps, Didier Gosuin est arrivé à la maison communale. Nous discutons de la façon dont nous allons communiquer à la presse la décision du Collège de me retirer mes attributions d’échevin. D’autant qu’il n’est pas question d’abandonner la partie : nous devons accentuer la pression sur d’autres dossiers.

A 12h15, nous quittons la Maison communale pour rejoindre le lieu du rendez-vous, sans savoir si la presse sera présente ou non. A la hauteur de l’hôpital Paul Brien, notre voiture est bloquée par un embouteillage. Pour ne pas perdre de temps, nous nous garons et continuons à pied.

En arrivant au bas de l’avenue Docteur Dejase, je prends conscience que l’embouteillage trouve sa source à hauteur du Laudy Pub. Une cinquantaine de journalistes de la presse écrite, radio et télé sont présents. Leurs véhicules sont en double file, ce qui cause cette pagaille.

Comme prévu, je prends la parole calmement en expliquant la brutalité de la décision et ce, pour de mauvaises raisons. Je confie être très inquiet pour le futur de l’ensemble des projets mis en place durant ces 30 derniers mois. J’explique également que je me donne quelques jours en espérant que le Collège prenne le recul nécessaire et revienne sur sa décision.

Après avoir répondu aux diverses questions, je leur propose de se rendre à la Salle du collège où le Collège est de surcroît toujours en réunion. La colonne de journalistes se déplace vers la place Colignon.

Sur place, je me fais un plaisir de les guider jusqu’à la Salle du collège. Un grand moment de l’Histoire ! Je frappe et ouvre la porte en disant « Je m’excuse d’interrompre votre réunion mais il y a quelques personnes qui désireraient vous parler. Cela semble urgent ». La horde de journalistes s’engouffre dans la salle. J’entends couiner certains de mes collègues comme des gorets (en écrivant ses lignes je ne peux m’empêcher de rire malgré la situation tragique qui date de plus de 25 ans !).

Le Collège est aux abois. La saga médiatique durera plusieurs jours. Robert Van Brussel reçoit l’ordre de remplir ses caisses et de rejoindre le département de l’instruction publique. Trois ans plus tard, les caisses n’étaient toujours pas remplies…

Le lendemain, j’accuse le coup. Je suis seul dans mon bureau, avec des sentiments mélangés de tristesse, de découragement et d’injustice. On frappe à la porte, je vois un visage familier : il s’agit de Yasmina (l’adolescente de l’ « affaire » des cuistax à Knokke et du sac à main lors de la descente de la Lesse). Elle est là devant moi avec à la main une boîte de pralines. Elle me la donne en me disant qu’elle a appris par la radio que j’étais renvoyé du Collège. Avec les larmes aux yeux, elle me dit que je resterai pour toujours dans son cœur l’échevin de la Jeunesse.

Sans le savoir cette gamine m’a permis de décupler mes forces. Lorsqu’elle quitte la pièce, c’est moi qui ai pleuré durant un moment qui m’a paru fort long. Le soutien de Yasmina fut le premier d’une longue série mais je ne le savais pas encore.

Incroyable mais vrai, le jeudi 11 avril Robert Van Brussel apprend qu’il sera Echevin à Evere en remplacement d’un échevin parti à la pension. Je suis vraiment content pour lui.

La résistance commence à s’organiser. Mes collaborateurs des Affaires sociales proposent de continuer à s’investir dans les projets en cours mais bien sûr en toute discrétion. Je salue au passage leur courage, car ils risquent réellement leur place.

Nous installons une armoire avec un miroir dans l’espace de la double porte qui sépare mon cabinet de mon ancien secrétariat, en prenant soin d’enlever la planche du fond. Je dispose désormais d’une sorte de passage secret ! Quelle époque !

A demain.