Episode 32 : C’était au temps où Schaerbeek se déchirait…

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Troisième partie : Action consciente – Episode 32

Le lundi 29 avril est resté pour moi une des soirées les plus éprouvantes de mon existence. Dans la salle du Conseil, se presse un public convaincu. Il a été invité en grande partie par les faucons du collège. J’aperçois parmi eux quelques racistes notoires et des extrémistes de droite. Belle mise en scène. Il ne reste plus qu’à faire siéger le tribunal de l’Inquisition. C’est l’échevin Bosquet qui tire la première salve. Il me pose des questions concernant les statuts des associations « Imaginaction » et « Bouton blanc » puis sur les justificatifs des subsides. Je suis incapable de répondre de façon précise, car je n’ai rien préparé.

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Je ne m’attendais pas à ce règlement de compte en pleine séance du Conseil communal. Je me contente de réponses très superficielles. L’échevin Paulet prend la relève. Il prend un air accusateur. Si je ne réponds pas, c’est parce qu’évidemment je n’ai pas avec moi les données précises pour répondre. Le règlement d’ordre intérieur du Conseil communal prévoit d’ailleurs que pour des questions très pointues notamment avec des données chiffrées, une question écrite soit au préalable déposée, ce qui n’est bien entendu pas le cas.

Claude Paulet en tant que comptable, a pris la peine de se renseigner. Et selon lui, il est vite apparu que de nombreuses pièces sont manquantes dans ce dossier. Sans le dire clairement, il laisse sous-entendre que je ne suis qu’un escroc.

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L’échevin Jean-Marie Charels en remet une couche. Il explique que je suis irresponsable d’avoir mis des enfants dans une maison (une propriété communale, fait-il préciser) prête à s’écrouler.

A chaque intervention, le public vocifère. Un peu comme une foule contemplant le bûcher, au Moyen Age. Quant à moi, je suis totalement dépassé par les événements. Je suis effondré. Même Léon Weustenraad s’y met en me menaçant de déposer plainte pour détournement. Il m’accuse d’avoir risqué la vie de jeunes  Schaerbeekois !

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Les ultras du Collège triomphent. Mais le pire est à venir, avec l’intervention de Georges Verzin, pourtant dans l’opposition. Celui-ci est un brillant orateur. D’habitude, il fustige le Collège (il a créé son propre parti, IDS, après son éviction du FDF). Avec une arrogance dont lui seul a le secret, il m’enfonce encore plus. J’en reste bouche bée. Il se lance dans un long monologue sur le côté superficiel et artificiel de mes actions, estimant que tout cela ne sert qu’à cacher ma véritable personnalité. Plus de 30 minutes de monologue. Le PS et Ecolo sont plus mitigés, mais ils en profitent pour souligner les innombrables dysfonctionnements de la majorité. Il n’y aura en fait que le FDF pour voler à mon secours sous les huées du public.

C’est aux alentours de 22h après plus de trois heures et demie d’attaques successives que se termine enfin la séance. J’en sors complètement ko et lessivé.

Dehors, il pleut des cordes. Lorsque je me dirige vers ma voiture, deux journalistes de la presse néerlandophone (Het Nieuwsblad et het Laatste Nieuws) me prennent par le bras et me proposent d’aller prendre un verre ensemble. Nous discutons à bâtons rompus pendant plus d’une heure. Je leur suis encore aujourd’hui extrêmement reconnaissant, car ce moment-là me fit beaucoup de bien moralement.

Au sortir de l’établissement « l’Eden » de la place Colignon, je rejoins ma voiture et m’aperçois que mes quatre pneus ont été crevés. Il pleut toujours. Sur le perron de la Maison communale, je distingue un attroupement (des personnes du public) toujours en train de discuter avec des membres de la majorité. Voyant mon désarroi face à mes quatre pneus, certains ne manquent pas de s’esclaffer.

Au bout de quelques instants, je vois une ombre qui s’approche de moi. C’est l’Echevin Christian Germain qui arrive. Il me lâche : « Il y en a qui sont vraiment trop cons ». Il me propose de monter dans sa voiture pour aller au garage de son entreprise de taxis chercher quatre pneus neufs. Nous revenons ensuite et, à nous deux, nous changeons les pneus, toujours sous une pluie battante. L’humain se dévoile parfois là où l’on s’y attend parfois le moins…

Le soir, avant d’éteindre la lumière, je repense à cette citation « Ce qui ne tue pas rend plus fort ».

Le lendemain matin, je m’éveille avec une tête comme un seau. J’ai vécu l’un des pires moments de mon existence. Mais la rencontre des deux journalistes puis l’intervention de Germain ont été malgré tout des moments très forts et terriblement humains.

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Ma journée va être chargée : d’abord, filer au garage pour mes pneus et ensuite, rejoindre mon comptable pour clarifier la situation avec un professionnel. Je n’ai pas l’intention de me laisser faire.

Je ne suis pas seul à avoir été sali la veille. Plusieurs associations ont été nommément attaquées lors du Conseil communal. Elles invitent les membres du Collège ainsi que la presse à consulter leur comptabilité. La presse répond présente à cette invitation mais le collège, lui, brille par son absence.

Après ce terrible Conseil communal, un comité de soutien se crée. Il comptera plus de 200 personnes qui seront présentes au Conseil communal suivant.

Et puis, les bonnes surprises s’enchaînent. Je suis contacté en tant que président de l’asbl « Bouton Blanc » par la Warner Bross, pour organiser en partenariat un méga événement au cours duquel sera projeté le film « New Jack City » qui parle de deux policiers ayant sombré autrefois dans la drogue et qui s’attaquent à présent à un cartel de la drogue de Harlem. Lors de sa diffusion aux Etats-Unis, le film avait provoqué des émeutes, raison pour laquelle on me sollicite pour un accompagnement.

Le vendredi 3 mai 1991, je rencontre Laurence Spitaels, Event manager de la Warner. Le déclic est immédiat et il va donner naissance à l’un des plus grands moments de la culture de rue.

A demain.