Episode 39 : C’était au temps où Schaerbeek rayonnait…

Troisième partie : Action consciente – Episode 39

Gaetan me raconte son voyage scolaire (5^e secondaire) : un séjour de trois jours à Amsterdam, comprenant une soirée ainsi que deux après-midis libres. Lorsqu’il me décrit l‘état de certains, totalement hallucinés après consommation de drogues, mon sang ne fait qu’un tour. Je n’oublie pas en effet le nombre de fois que l’Echevin de l’Instruction Publique Jean-Paul Bosquet m’accable de reproches… Je ne peux dès lors que l’interpeller au Collège.

Bosquet ne réagit pas. Je décide de passer à la vitesse supérieure et je me permets de relayer l’info à la presse. Après la parution d’articles sous le titre « Le mini trip de l’échevin », il réagit enfin mais de façon assez déplorable.

Début mai 1992, l’ASBL « Bouton blanc » obtient la subvention régionale pour ses projets et le « Téléphone blanc » fonctionne dès le mois de juin en partenariat avec Infor Jeunes.

Durant le mois de juillet, je participe à une semaine d’échange culturel organisé par une l’association « Accueil Jeunes ». Le concept consiste à promouvoir des rencontres avec une quarantaine de jeunes artistes amateurs et la jeunesse du Maroc.

L’association a invité un représentant de chaque parti démocratique, ainsi que quelques journalistes. La personne chargée de nous accompagner durant le séjour me pose des questions sur la politique belge ainsi que les différences de programme des différents partis. Deux jours plus tard, elle me demande s’il serait possible de rencontrer un responsable du FDF car sa politique culturelle ainsi que son engagement pour la langue française l’intéressent.

Je lui donne les coordonnées du Président Olivier Maingain. La jeune femme Amina Derbaki sera élue députée quelque mois plus tard ! Des années après, Amina a joué un rôle qui fut capital dans le parcours politique qui est le mien.

Quant à moi, je suis resté 3 semaines de plus au Maroc où un jeune Schaerbeekois rencontré au gré des activités, m’avait proposé de découvrir son pays d’origine et c’est ainsi qu’avec Mohamed, j’ai pu voir autrement les différentes facettes de ce splendide pays.

Avec Said Benallel, nous engageons deux animateurs sportifs pour les mercredis après-midis, le samedi et le dimanche. Nous achetons du matériel ainsi que quatre goals démontables. Un riverain de la plaine Renan met à notre disposition un box de garage pour entreposer tout cela. Voilà la campagne « Oui au Sport, Non à la Drogue » sur les rails.

En quelques semaines, nous comptabilisons plus de dix équipes de mini-foot et nous pouvons compter sur plusieurs bénévoles qui viennent épauler les deux animateurs, un peu débordés par le succès.

Les refus successifs du Collège de mettre à disposition des jeunes un espace en remplacement de celui de la rue de Jérusalem me mettent dans une situation difficile. Pourtant, il y avait eu un engagement formel (même face caméras). Je décide donc de forcer les choses en jetant mon dévolu sur la salle Charbo.

Celle-ci, située dans le complexe de la caserne Dailly, appartient à la Région, ce qui me facilite les choses. La Région met fin à la convention qui la liait à la commune. Elle signe une nouvelle convention d’occupation avec les asbl Bouton blanc et Infor Jeunes. L’éviction de la commune permet aux jeunes de disposer à nouveau d’un espace. Mais la manœuvre fait une fois de plus grincer des dents au sein du Collège.

C’est alors que survient l’épisode « Pelé ». Dans le cadre d’une campagne de sensibilisation contre la violence dans les stades destinée aux supporters, l’Union Belge accueille pendant trois jours la plus grande légende du football de tous les temps : le « Roi Pelé ».

Son planning est serré : les trois jours et demi de sa visite sont notamment consacrés à la rencontre des ministres des Sports des trois régions. Le Ministre des sports de la Région de Bruxelles-Capitale n’est autre que Didier Gosuin qui accueille Pelé dans le superbe complexe sportif d’Auderghem, qui compte pas moins de huit terrains de football.

Dès 9h, des centaines de jeunes se pressent pour voir cette légende vivante qui se présente sous un tonnerre d’applaudissements. L’homme est sympathique et passe énormément de temps avec les jeunes. Tout d’un coup, une idée me traverse l’esprit, même si elle relève peut-être de l’utopie du moment : pourquoi ne pas amener Pelé jusqu’à la plaine Renan où les jeunes jouent sur un terrain vague ?

J’en parle à Didier Gosuin et lui demande si ce ne serait pas une bonne idée de proposer à Pelé d’aller de l’autre côté de Bruxelles voir des jeunes qui n’ont pas la chance d’avoir des infrastructures comme celles d’Auderghem. Il trouve l’idée très bonne sous réserve que Pelé accepte de chambouler son programme déjà chargé.

Celui-ci marque son accord. J’ai à peine le temps de prévenir un riverain de Renan (le GSM n’existe pas encore…) pour qu’il prévienne à son tour les animateurs et qu’il essaye de faire venir les jeunes.

Il est 11h15 et un convoi de six véhicules quitte Auderghem pour rouler vers Schaerbeek. Je suis dans le véhicule avec Pelé et je lui explique via un interprète le contexte politique local, ainsi que la dynamique « Bouton blanc ». Il se montre réceptif et, du coup, je me lance en lui demandant s’il accepterait de parrainer l’action « Oui au Sport Non à la Drogue ».

Il me sourit et accepte. Je sors un bout de papier de ma poche et écrit en quelque lignes que le soussigné Pelé autorise Bouton blanc à utiliser la photo que nous allons prendre ensemble dans le cadre de l’action Bouton Blanc et à titre gratuit. Il se fait expliquer ma demande et signe.

Nous arrivons à Renan. Les jeunes sont intrigués de voir ces voitures en cortège. Ils m’aperçoivent et me lancent des regards interrogateurs. Tout à coup, sort de la voiture sous leurs yeux ébahis le Dieu du foot Pelé !

Tous croient rêver, les animateurs sont tout aussi surexcités face à cette « apparition ». Pelé prend un ballon, fait une passe puis une autre. Nous ne restons qu’une demi-heure, mais cela paraît une éternité. Le Roi Pelé serre la main aux 50 jeunes. Puis il repart.

Vingt-cinq ans plus tard, ce moment de grâce est toujours dans les mémoires des Schaerbeekois qui l’ont vécu. Et lorsqu’ils l’évoquent, la même remarque fuse à coup sûr : « Oh oui, l’un des plus beaux moments de ma vie ! ».

Merci Pelé, Merci Didier. Le hasard, décidément, n’existe pas…

A demain.