Episode 44 : C’était au temps où Schaerbeek s’élançait…

Troisième partie : Action consciente – Episode 44

Au cours des premiers jours de mon nouvel échevinat, je vais à la rencontre des différents services et des fonctionnaires pour faire le point de la situation. Une étape primordiale afin d’établir un bon contact et aller ensemble de l’avant pendant six années.

Je termine mon tour le vendredi après-midi par le cimetière de Schaerbeek, situé à cheval sur les communes d’Evere et de Zaventem. Je rencontre les membres du service. Pendant notre discussion, j’aperçois un ballet de camions. Soit trois en une heure, qui se dirigent à chaque fois vers le fond du cimetière qui n’est à cette époque pas encore utilisé.

J’interroge le conservateur du cimetière sur la nature des travaux en cours. L’homme en devient blême et me dit la voix chevrotante qu’il ne s’agit pas vraiment de travaux…

Devant mon agacement face à cette non-réponse, il me lâche finalement : « Ils viennent déposer de la terre ».

Nous prenons mon véhicule et nous nous rendons sur place. Un troisième camion vient de déverser son contenu. Je m’approche et découvre un liquide brunâtre à l’odeur nauséabonde déversé dans une espèce de lac artificiel de boue noire. Il s’agit de boues du curage des égouts. J’interroge le chauffeur quant à la durée de ces déversages, il me rétorque : « Beaucoup d’années ».

Le conservateur du cimetière et le contremaître sont évidemment très mal à l’aise. Mais il est clair que l’ordre vient de plus haut. J’apprends que cela fait approximativement six ans que le service des Travaux publics déverse à raison de 5 camions par jour des boues et des eaux usées pleines d’hydrocarbures.

Je comprends mieux l’entêtement de l’échevin des Travaux publics Claude Paulet à vouloir la mainmise sur le cimetière.

Je dis à Willy, le conservateur, de bien regarder le camion partir, car c’est le dernier qu’il verra. Il semble peu convaincu. Par prudence, j’ai fait constater le « lac » de boue par un ami huissier de justice. A mon retour au bureau, j’adresse deux notes. L’une au Bourgmestre et l’autre au Secrétaire communal pour signaler la gravité des faits.

Le conservateur ne vit plus jamais de camion franchir la grille du cimetière. Claude Paulet n’a pas bronché.

Je me rends compte rapidement, qu’il y a d’autres problèmes de gestion, dans ce cimetière. Les hommes du cimetière sont en tout cas en demande : ils ont l’impression d’être les oubliés de l’administration communale, à cause de leur éloignement des autres services. Je décide d’aller à leur rencontre. J’apprends rapidement de cette discussion à bâtons rompus que sur les 32 hommes affectés au cimetière, deux font des trous et tous les autres… sont sous certificat médical. En résumé, deux fossoyeurs, l’un de 30 ans et l’autre de plus de 55 ans qui font le travail de tous les autres…

Face à l’ampleur du problème, je les invite à se ressaisir à défaut de quoi il y aura des mutations vers la Propreté publique et des engagements de nouveaux fossoyeurs.

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Quelques semaines plus tard, il me revient que 22 personnes font désormais l’effort de creuser. Tous viennent aussi en appui lors de festivités pour le montage des tentes et du matériel, lorsque le service des Travaux est débordé.

Sur leur insistance, j’ai également assisté à des exhumations pour me rendre compte de l’insalubrité de ce type de mission. Lors de ma première visite, tout se passe parfaitement. Les hommes sont plutôt déçus : je n’ai pas vu ce à quoi ils sont si régulièrement confrontés. A leur demande, je les accompagne une seconde fois. Et là, j’ai été servi. Je n’entrerai pas dans les détails mais ce fut simplement cauchemardesque.

Suite à ce constat, nous avons commandé des tenues totalement hermétiques et instauré une prime pour pénibilité ainsi qu’une augmentation de prix pour les demandes d’inhumation.

Des 18 hectares de superficie du cimetière, seulement la moitié est utilisée. Quelques années plus tard, le cimetière de Schaerbeek accueillera l’intercommunale du cimetière multiconfessionnel, nous en parlerons plus tard.

Le lundi matin, le Secrétaire communal me communique une très mauvaise nouvelle.

A demain.