Episode 69 : C’était au temps où Schaerbeek se séparait…

Troisième partie : Action Consciente – Episode 69

Notre 71^e Cortège carnavalesque est fin prêt. La cuvée 2000 s’annonce bien, apparemment. Lors de l’inauguration de l’exposition qui se tient une semaine avant l’événement, le Bourgmestre remet la clef de la commune au prince Bill 1^er entouré de Miss Schaerbeek et ses dauphines.

Durant la réception qui suit, Francis Duriau m’annonce que cette année il ne sera pas dans le cuistax du Collège. Il en sera de même pour tous ses échevins élus sur la Liste du Bourgmestre qui défileront pour leur part habillés en Pogge (pour rappel personnage du folklore schaerbeekois), accompagnés par l’âne Siska.

A ce moment précis, je ressens avec émotion qu’une page de l’histoire de notre commune va inexorablement se tourner. Nous sommes victimes de pressions extérieures, de stratégies décidées hors de la commune. Et le climat politique se dégrade.

J’essaye de faire changer Francis d’avis, mais l’homme est d’un tempérament têtu. Sa démarche a pour effet de favoriser le rapprochement FDF-MR. Le jour du cortège, nous pédalons donc sur le cuistax avec derrière nous les élus de la Liste du Bourgmestre déguisés en paysans pour rappeler le costume de Pogge. L’image est frappante : le présent à l’avant et le passé à l’arrière…

Ma prémonition s’avère correcte. J’ai pédalé cette année-là avec à mes côtés Bernard Clerfayt. Je le ferai l’année suivante aussi, à un détail près : son écharpe sera devenue tricolore, celle du bourgmestre.

Durant toutes ces années passées, j’ai appris à apprécier Francis Duriau pour son courage politique, sa proximité et son écoute avec la population. Le contact entre lui et les trois échevins FDF était complémentaire. Au fil des années, mon estime vis-à-vis de Bernard Clerfayt a grandi. Sa volonté de remettre le service de l’urbanisme à niveau et mettre de l’ordre dans ce service en exigeant des responsables du service de faire respecter certains règlements oubliés depuis trop longtemps, était certes impopulaire mais très courageuse.

Je n’avais pas de problème avec les conseillers communaux MR que j’avais connus au Collège dans la précédente législature. Conseillers qui, à cette époque, étaient plutôt les modérés de la bande (mis à part Jean-Paul Bosquet).

Ce qui m’inquiète aujourd’hui, c’est ce forcing venu d’ailleurs qui nous oblige à rebattre les cartes. Bien malgré nous et sans savoir en définitive si les Schaerbeekois sortiront gagnants de cette aventure.

Karim Fadoul, journaliste à la DH, annonce le cortège avec comme titre « Le Schaernaval  est de retour». Depuis ce jour- là, chaque année arrive le jour du Scharnaval pour -je l’espère- de nombreuses années encore.

Cette édition fut d’une bonne facture avec un serpentin s’étirant sur un parcours de plus de 2 kilomètres et surtout la première participation d’un groupe haut en couleurs et en musique, composé d’une soixantaine de personnes originaires de Bolivie. Rien qu’à les voir danser avec cet enthousiasme sud-américain, la température montait de quelques degrés à  leur passage !

Cette année-là, le record d’affluence fut battu avec plus de 100.000 spectateurs sous un soleil radieux pour un 8 avril.

Les semaines s’enchaînent, tout comme les braderies. Nous voilà déjà fin mai, et toujours pas d’accord entre Duriau et Ducarme. Quant au FDF, il demeure en attente au milieu de l’échiquier.

De mon côté, je reste en contact avec Francis et lui conjure de se montrer de bonne volonté en revoyant ses exigences à la baisse. Il refuse tout compromis. Je pense qu’il est vraiment convaincu d’être incontournable.

Lors des réunions entre élus FDF (sans Duriau) et MR, je sens que la température monte et que Ducarme perd patience. Sentant l’approche du clash, je recontacte une fois de plus Francis. Il me dit alors d’arrêter de lui mettre la pression.

Le lundi 19 juin 2000, Daniel Ducarme me téléphone et me dit : « Jean-Pierre, j’ai une bonne nouvelle ! J’ai pris ma décision. On lâche Duriau et je propose que tu sois le futur bourgmestre. »  Je lui réponds : « Si je comprends bien, tu informes le président du FDF (que je suis) que le futur bourgmestre sera issu de la liste FDF ? ».  L’hameçon est gros comme un câble. Je ne suis pas à vendre et encore moins à acheter.

Réalisant que je ne mords pas, il me répond par l’affirmative. Le même jour à 17 heures, se tient une réunion au siège du MR rue de Naples avec les trois échevins FDF, l’échevin Etienne Noël (CDH), le conseiller communal Bernard Guillaume ainsi que Daniel Ducarme.

Après deux heures de discussion, nous nous donnons rendez-vous pour tenir une réunion au même endroit, afin de déterminer le nombre et le nom des futurs échevins ainsi que leurs compétences. Nous programmons deux conférences de presse : une FDF et une autre MR, toutes deux le vendredi 23 juin en fin de matinée pour annoncer la liste commune FDF et MR avec Bernard Clerfayt en tête de liste.

La veille au soir, alors que j’arrive en voiture rue Nestor de Tière, mon GSM sonne. Le nom de Francis Duriau apparaît sur l’écran.

A demain.