Episode 70 : C’était au temps où Schaerbeek explosait…

Troisième partie : Action consciente – Episode 70

En voyant apparaître le nom de Francis Duriau sur mon gsm, je sens l’émotion monter en moi. Je me gare et décroche. Sa voix reflète l’inquiétude. Immédiatement, il me demande ce qui se passe et me pose un tas de questions sans même me laisser le temps d’y répondre. Francis vient d’avoir vent du rapprochement FDF et MR, et prend conscience que ce qui semblait impossible hier pour lui, est aujourd’hui devenu une réalité.

Après l’avoir laissé parler, je lui rappelle que cela fait des mois que j’attire son attention sur la nécessité de faire des concessions au MR en vue de la constitution d’une liste tripartite Liste du Bourgmestre, FDF et MR mais qu’il n’a rien voulu entendre, m’éconduisant même à la fin.

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A présent, les choses sont désormais clôturées. Il n’est plus possible de revenir en arrière.  Un silence s’installe au bout du fil et une immense tristesse s’empare de moi. Je me sens complice de la destruction de ce qui fut pour Schaerbeek et pour moi une véritable résurrection. Mais la politique ne laisse que peu de place pour les émotions et encore moins pour les sentiments.

Moi qui avais amené Francis Duriau au FDF, je suis celui qui lui annonce par téléphone que le FDF de Schaerbeek va faire alliance sans lui avec le MR.

Je me suis souvent posé la question de savoir d’où venait cette certitude qui habitait Francis Duriau d’être incontournable. Au point d’avoir des exigences démesurées tant pour lui que pour ses colistiers de la Liste du Bourgmestre. Il ne pouvait même pas envisager de lâcher ne serait-ce qu’un peu de lest.

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J’ai compris le pourquoi de cette attitude le lendemain, lors de la conférence de presse. Bien malgré moi,  je suis à l’origine de l’attitude « jusqu’auboutiste »  de Francis Duriau. On y reviendra dans quelques lignes.

Le vendredi 23 juin 2000 à 11 h du matin, après avoir célébré 8 mariages, je suis dans le cabinet de Bernard Clerfayt en tant que président du FDF. Nous terminons de peaufiner les derniers détails de la conférence de presse prévue à 12h. Nous y annoncerons qu’il sera candidat Bourgmestre et tête de liste FDF-MR sans Francis Duriau.

Les journalistes commencent à arriver. Au final, ils seront plus de 40. C’est vrai que Schaerbeek ne laisse pas indifférent ! Tout ce petit monde s’installe comme il le peut dans le cabinet de Bernard Clerfayt en attendant le début de la conférence de presse.

Au moment où je vais prendre la parole pour ouvrir la séance, le gsm de Bernard Clerfayt sonne. Il répond et je sens monter en lui un malaise. Il raccroche et me demande de l’accompagner aussitôt dans l’antichambre du cabinet, qu’il partage avec l’échevin PS Roland De Linge en charge de l’Instruction publique.

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Il m’informe alors que Marc Weber, conseiller d’Olivier Maingain, Président du FDF, lui a fait part que ce dernier vient d’apprendre la tenue de la conférence de presse, et qu’il est dans une colère hystérique, en route pour Schaerbeek. Vu l’urgence, je conseille à Bernard de démarrer directement la séance. Je me charge de gérer le reste…

Je ferme la porte de l’antichambre à double tour (de l’intérieur en laissant bien sûr la clef dans la serrure) et ensuite je sors par un petit couloir discret donnant sur le cabinet de mon ami et collègue l’échevin Roland De Linge, qui se demande ce que je fabrique.

J’avertis deux huissiers de bien surveiller la place Colignon et de m’avertir dès qu’ils verront arriver Olivier Maingain. Ils seront chargés de l’envoyer au premier étage (la conférence de presse se déroule au rez-de-chaussée), pour gagner du temps.

A 12h15, l’huissier n’a pas le temps de me prévenir que j’entends résonner la voix d’Olivier Maingain qui s’éloigne dans l’escalier d’honneur vers le premier étage. Il y rencontre Francis Duriau qui le guide vers le bon endroit de la conférence de presse.

En faction devant la porte extérieure de l’antichambre, j’aperçois Olivier Maingain venir dans ma direction, le visage déformé par la colère. Il me lâche : « Où sont-ils ? » Il me prend la manche et alors que j’essaye de le calmer, il hurle : « Je vous interdis, vous n’avez pas le droit ! »

Son conseiller Marc Weber (qui deviendra après les élections le directeur de cabinet de Bernard Clerfayt) arrive à son tour à bout de souffle. Ils se parlent en aparté et s’en vont.

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A ce moment précis, j’ai compris trois choses : je ne serai jamais, aussi longtemps qu’Olivier Maingain restera à la tête du FDF, soutenu par l’appareil lors des élections régionales.

La deuxième est que le président Maingain a rassuré Francis Duriau en lui garantissant qu’il n’avait rien à craindre en tant que FDF. Et par la même occasion, il réglait ses comptes avec Ducarme par Duriau interposé.

Enfin, si je n’avais pas proposé à Francis Duriau de rejoindre le FDF un an plus tôt, il serait peut être resté Bourgmestre… Mais avec des « si », on pourrait mettre Schaerbeek en bouteille…

La conférence de presse se termine à 13h. J’ai alors juste le temps de rouvrir la double porte de l’antichambre, en passant une fois de plus (la quatrième fois) par le bureau de Roland De Linge. Qui a bien cru que j’étais devenu fou.

A demain.