Episode 104 : C’était au temps où Schaerbeek plombait…

Troisième partie : Action consciente – Episode 104

En 2004, après plus de 6 années de discussions parfois très animées avec la Commission Royale des Monuments et Sites, nous arrivons enfin à un accord pour les châssis du complexe scolaire Ruche-Josaphat ! Les bâtiments sont classés, l’accord de la commission est donc indispensable pour obtenir la subsidiation à concurrence de 85% du montant des travaux.

L’objet des discussions résidait dans le fait que nous souhaitions le remplacement à l’identique des 480 châssis et des 32 portes en y incorporant un double vitrage qui allait permettre 25000 € d’économie en chauffage et un meilleur confort pour les 1000 élèves concernés. La commission voulait les rénover et non pas les remplacer bien qu’après plus d’un siècle, ils soient totalement pourris.

Le complexe date de 1907. Il s’agit d’un bâtiment Art nouveau signé par l’architecte Henri Jacobs. Après de nombreuses péripéties, la CRMS exige la restauration de plus des 3/4 des menuiseries soit 2.750 m² au total.

Après quelques jours, le chantier est arrêté d’urgence car des enfants souffrent de maux de tête. Très rapidement, on constate que les châssis que la CRMS a voulu rénover à tout prix, sont remplis de plomb (peinture et vernis). Le chantier est interrompu et l’école évacuée. Cela faisait déjà longtemps que je ne supportais plus les méthodes de la CRMS que je trouve proches de celles utilisées à l’époque de l’Inquisition mais là je suis vraiment en colère.

Je décide d’examiner de plus près le fonctionnement de la CRMS, et ce que je découvre est édifiant : les 18 membres de la commission sont élus pour 6 ans et leur mandat peut être renouvelé sans limite. De plus, chacun des membres est ce que je nomme un « puriste » dans son domaine. Pour chaque avis du spécialiste émis et qui ne tient forcément pas compte de la réalité du terrain, de la faisabilité et du coût, les 17 autres se rangent systématiquement derrière lui, défendant les options les plus extrêmes.

Ajoutez à cela que de nombreux membres sont à la tête ou travaillent dans des bureaux d’architecture spécialisés dans la restauration du patrimoine.

Des années plus tard, les nouveaux châssis retiennent la chaleur et le complexe a gardé sa superbe. La commune économise sur sa facture d’énergie, comme quoi il est parfois juste de se fâcher pour de bonnes raisons.

Dans la même période, je suis sollicité par un bureau spécialisé en lumière, engagé par la même CRMS. Nous nous fixons rendez-vous devant l’église Sainte-Marie fraîchement rénovée. La Région a dégagé un budget pour éclairer les bâtiments remarquables de notre commune.

Lorsque l’on commence à parler du projet, je prends pour exemple la Basilique de Koekelberg qui le soir venu, brille de mille feux et offre une belle image de lumière dans la nuit. Mon interlocuteur se met à éructer et me dit que justement c’est le modèle à ne pas suivre ! Je lui demande pourquoi et là, grand moment de l’histoire : il me signale qu’il fait partie de l’école « du noir noir ».

Il développe son concept : lorsque l’architecte a conçu les plans de cette église, l’électricité n’existait pas encore et donc le concept de l’époque était de jouer le jour avec les rayons du soleil et la nuit avec les rayons de la lune. La conclusion pour lui est donc évidente : il fallait un éclairage à peine visible mais cependant onéreux en y regardant de plus près.

J’ai pris une profonde inspiration et lui ai dit que l’architecte jouait jadis avec les rayons, mais qu’aujourd’hui en ce qui me concernait, je ne jouais pas avec l’argent public ! Nous en restâmes là.

Je n’ai plus jamais eu de ses nouvelles mais des années plus tard mon successeur a visiblement rencontré un autre auteur de projet d’une école nettement plus claire qui a réussi à mettre Schaerbeek en lumière.

L’année se termine, Jean Dewier est élu Mister Senior 2005, une cinquantaine de seniors ont réussi leurs examens d’informatique, un marché de Noël est organisé à l’école Primo, Schaerbeek est vraiment de moins en moins salie mais de mon côté, je commence à avoir de gros problèmes de santé.

A demain.