Episode 118 : C’était au temps où Schaerbeek se liquéfiait…

Troisième partie : Action consciente – Episode 118

Dès le matin de ce dimanche électoral, tout le monde est sur le pont. Je suis très touché par le soutien massif des seniors qui n’hésitent pas à aborder leurs connaissances de quartier pour leur demander de me soutenir lors du vote.

Durant toute la matinée, le stress monte au fil des heures. Nous nous retrouvons tous à notre local à l’angle des rues Rubens et Vandermeersch avant de rejoindre la maison communale.

Vers 16h30 les résultats commencent à tomber, le PS triple presque son score de l’an 2000 en passant de 5 à 13 sièges avec 5083 voix de préférence pour Laurette Onkelinx.

Bernard Clerfayt réalise un score mémorable avec 12.654 voix de préférence et sa liste totalise 22 sièges. Ecolo est en solide perte avec 6 sièges. Le CDH en décroche 5. Cela donne donc arithmétiquement une majorité de 24 sièges (sur 47) à la coalition souhaitée initialement par Isabelle Durant deux ans plus tôt.

Si l’on ne devait reconnaître qu’une seule qualité à Laurette, c’est sans conteste le respect de la parole donnée, ce qui n’est en revanche pas dans les mœurs d’Isabelle Durant. Je suis d’autant plus à l’aise pour le dire que la première fois que j’ai entendu parler d’un accord pré-électoral secret c’était via des membres de la section Ecolo de Schaerbeek.

A 19h00, l’info tombe : Ecolo renie sa parole et décide de rejoindre Clerfayt pour faire l’appoint. La messe est dite…

Les supporters de Clerfayt sont ivres de bonheur. Je n’étais pas présent à ce moment-là à l’Hôtel communal mais les images que j’ai vues et surtout les récits qui m’ont été rapportés, m’ont littéralement horrifié. Comment l’être humain peut-il devenir à ce point excessif, bavant de haine ? Je l’ai déjà écrit, le ton de la campagne n’a jamais été courtois mais je pensais que l‘on avait atteint le paroxysme par les échanges discourtois, les rumeurs infondées et la calomnie verbale mais non il y a eu pire.

Lorsque Laurette a quitté par l’escalier d’honneur l’Hôtel communal, certains supporters de la Liste du Bourgmestre n’ont pas hésité à lui cracher dessus depuis la balustrade. L’époque des jeux romains où le public n’avait jamais de cesse dans la furie était-elle ressuscitée ? Je n’en sais rien mais relater cela plus de 12 ans plus tard, me glace encore.

Certes, Bernard Clerfayt et ses colistiers ne sont pas responsables des agissements de leurs militants et je suis persuadé que s’ils l’avaient vu, ils en auraient été aussi scandalisés mais jamais, réellement jamais une campagne n’avait été à ce point dans l’extrême à Schaerbeek.

Lorsque Laurette arrive au local, je suis déjà au courant par l’intermédiaire d’un journaliste qui m’a contacté par gsm. Je prends la main de mon épouse pour la préparer au choc de l’annonce. Laurette montée sur une chaise annonce l’effondrement de l’extrême droite à Schaerbeek. L’assistance applaudit. Puis, elle prend un air grave et nous informe de l’alliance conclue entre la Liste du Bourgmestre et Ecolo. Les sifflets et les cris d’indignation fusent…forcément.

L’ambition d’une majorité de gauche pour Schaerbeek s’est évanouie avec le choix d’Ecolo. Isabelle Durant se justifiera sans relâche. A 24 élus sur 47, c’était intenable. C’était en effet la juste majorité mais au moins aurait-elle pu faire le point avec ceux qu’elle avait souhaités comme partenaires à savoir PS et Cdh ? Non, elle avait décidé de s’engouffrer dans une alliance avec Bernard Clerfayt. Il faut dire que sceller cette union fut une excellente opération pour Ecolo. Le parti passait de 11 à 6 sièges mais décrochait 2 échevinats, la présidence du CPAS en plus de la présidence du Foyer schaerbeekois et de l’ASIS. Beau coup de poker !

Le Cdh mené par Denis Grimberghs resta fidèle à la parole donnée. J’ai toujours apprécié Denis Grimberghs comme conseiller de l’opposition lorsque j’étais échevin. L’homme maîtrisait parfaitement ses dossiers et avait une vision pour sa commune. J’ai encore appris ensuite au sein de l’opposition à mieux le connaître et à estimer encore davantage ses talents d’orateur.

Lorsque j’ai fait le choix de rejoindre le PS, je savais pertinemment qu’il y avait un risque que je ne sois plus échevin. Mais le moment venu de la prise de conscience, le choc fut brutal, je ne vais pas mentir. En quittant le local, malgré l’épreuve endurée et la déception, Laurette me sourit, serre affectueusement la main de mon épouse et me dit « C’est dur mais je t’appelle demain ».

Le lendemain, jour de mes 50 ans, Laurette me contacte comme promis. Elle me propose si je le souhaite de rejoindre l’équipe de la future échevine de la propreté de la Ville de Bruxelles au vu de mon expérience en la matière. J’accepte de me lancer dans cette nouvelle aventure avec un enthousiasme certain.

Le soir, avec mon ami Said Benallel et nos épouses, nous sommes allés fêter mes 50 ans au restaurant « Moby Dick » boulevard Lambermont.

Bien que moi-même déçu, j’ai passé plusieurs jours à réconforter des militants qui s’étaient tellement investis tout au long de la campagne.

A demain.