Portrait : Benazir Bhutto

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Benazir Bhutto est née à Karachi au Pakistan en juin 1953 au sein d’une famille de politiciens et riches propriétaires terriens. Son père est Zulfikar Ali Bhutto qui sera successivement Président puis Premier Ministre du Pakistan.

La jeune Benazir suivra sa scolarité dans des pensionnats catholiques dont la Congrégation de Jésus et Marie à Karachi, puis au Penjab. Après ses études secondaires, elle poursuit sa formation au Radcliffe Collège de l’université de Harvard où elle décroche un Bachelor of Arts. Elle se rend ensuite au Collège Lady Margaret Hall d’Oxford où elle étudie le droit international, la philosophie et l’économie. Au cours de ses études, elle sera élue présidente de l’Oxford Union (sorte de conseil des étudiants), une première pour une jeune femme d’Asie.

En 1977, Benazir qui au cours de ses études universitaires, accompagnait parfois son père en déplacement officiel, revient au Pakistan, décidée à marcher sur les traces politiques de celui-ci. Quelques jours plus tard, Zulfikar Ali Bhutto est chassé du pouvoir suite à un coup d’Etat du général Zia qui impose la loi martiale.

Le père de Benazir est traduit devant la Cour martiale et condamné pour conspiration dans l’assassinat d’Ahmed Raza Kasuri. Malgré les protestations de l’opinion internationale et de ses supporters au Pakistan face à cette pantomine de procès, Zulfikar Bhutto est condamné à mort.

Dans son autobiographie « Daughter of Destiny », Benazir Bhutto explique cette période très sombre de sa vie et la dernière visite autorisée à son père, qu’elle effectua en compagnie de sa mère et ce douloureux moment où elles devront lui dire aurevoir derrière les barreaux de sa cellule, sachant que le lendemain à l’aube il serait pendu.

Egalement emprisonnée avec sa mère dans des conditions très précaires (elle souffrira notamment d’otites chroniques), Benazir Bhutto est exilée vers la Grande Bretagne en janvier 1984.

Elle prend alors la tête du PPP (Parti pakistanais du Peuple), affilié à l’Internationale socialiste et restera présidente jusqu’à sa mort, le dirigeant de manière autoritaire et sans partage.

En 1986, elle revient au Pakistan où elle est accueillie triomphalement. L’une de ses premières visites sera sur la tombe de son père. Suite à une gigantesque manifestation de soutien, elle est incarcérée à la demande du général Zia. Relachée en 1987, elle échappe de peu à un attentat.

Le 17 août 1988, le Général Zia meurt dans un accident d’avion dont les circonstances demeurent très floues. Le 16 novembre, le PPP remporte d’une courte majorité les élections législatives. Benazir Bhutto devient à 35 ans la première femme (et la plus jeune) élue démocratiquement à la tête d’un pays musulman. Habillée de manière traditionnelle avec un fin voile blanc sur ses cheveux, toujours impeccablement maquillée, fine oratrice, Benazir Bhutto ne laisse personne indifférent.      

Deux ans plus tard, le Président de la République, Ghulam Ishaq Khan démet son gouvernement de coalition sous l’accusation de corruption et d’abus de pouvoir. Benazir et son époux Asif Ali Zardari comparaissent devant la justice pakistanaise pour malversations et détournement de biens publics. Si Benazir est innocentée en 1994, son mari sera quant à lui emprisonné de 1990 à 1993 avant d’être également acquitté.

En 1993, Benazir qui a perdu les élections législatives de 1990, revient au pouvoir et s’allie entre autres aux militaires. En 1996, son frère est tué au cours d’une fusillade. Des proches du défunt affirmèrent que Benazir en était le commanditaire car son frère devenait plus populaire qu’elle au sein du PPP.

En 1996, dans un contexte de rumeurs d’assassinat familial et de nouveaux soupçons de corruption, Benazir Bhutto perd les élections.

Son mari (surnommé par ses opposants « Monsieur 10% ») est à nouveau emprisonné, tandis qu’elle s’exile avec leurs 3 enfants à Dubai. Ayant été jugée par contumace, elle ne peut revenir sur le sol pakistanais sous peine de se voir immédiatemment arrêtée. Au même moment, le Président Musharraf fait voter une modification à la Constitution interdisant plus de 2 mandats de Premier Ministre…

Au cours de ces années d’exil, Benazir Bhutto, toujours soutenue par de très nombreux partisans au Pakistan, voyage et participe à de nombreuses conférences. Elle est notamment invitée au Congrès américain et rencontre le président Bush.

Mais Benazir Bhutto ne se contente pas que de cela. Elle souhaite retourner au pays et prendre les rênes du pouvoir. Elle parvient finalement à un pacte avec le président Musharraf qui lui accorde ainsi qu’à son mari une amnistie totale. En échange, le PPP ne boycottera pas les élections présidentielles qui voient la victoire de Musharraf.

Le 18 octobre 2007, Benazir Bhutto revient à Karachi après quasiment 10 ans d’exil. Son retour est suivi par des centaines de milliers de supporters qui brandissent son portrait tout au long de l’itinéraire. Alors qu’elle se dirige vers le lieu d’un meeting du PPP, son convoi est la cible de deux attentats successifs qui causeront la mort de 136 personnes. Benazir Bhutto qui se trouvait dans un camion blindé en sort indemne.

Le pays est en pleine ébullition. De plus, le président Musharaf est dans l’attente de la décision de la Cour constitutionnelle qui annonce finalement qu’il ne peut être à la fois président et chef de l’armée.

En visite à Dubai auprès de ses enfants, elle apprend que l’état d’urgence a été décrété et que les élections législatives prévues initialement pour la mi-janvier 2008, sont reportées.

Benazir Bhutto organise plusieurs manifestations malgré l’état d’urgence. Sous la pression populaire, le président Musharaf annonce qu’il quittera ses fonctions au sein de l’armée et que des élections auront lieu avant le 15 février 2008.

Toutefois au vu des violences, Benazir est assignée à résidence, de nombreux membres de son parti sont également arrêtés.

Les élections sont finalement fixées au 9 janvier 2008, Benazir est à nouveau assignée à résidence. Elle annonce alors que les négociations en vue de partager le pouvoir avec Musharaf sont rompues et tend la main à l’ancien Premier ministre Nawaz Sharif qui accepte de former une alliance. 1.500 sympathisants sont arrêtés alors qu’ils se lançaient dans une grande marche à travers le pays.

Lors de plusieurs entretiens avec la presse internationale, Benazir Bhutto appelle le président Musharaf à la démission et les pays occidentaux à le boycotter.

En pleine dernière ligne droite des élections, Benazir Bhutto se rend à une réunion du PPP à Rawalpindi au sud d’Islamabad le 27 décembre 2007. Lorsqu’elle quitte le meeting et regagne son véhicule blindé, un homme tire sur la foule et se fait sauter avec une décharge d’explosifs. Benazir Bhutto qui avait jusque là échappé à de nombreux attentats, n’y survit pas. 20 autres personnes y perdront aussi la vie.

Les explications des circonstances de sa mort sont assez contradictoires et confuses : certains parlent d’une balle tirée dans la tête, d’autres du fait que sous le souffle de l’explosion sa tête a heurté le toit de son véhicule blindé. Al Qaida revendiquera l’attentat, le justifiant par le fait que la candidate était proche des Etats Unis et entendait mener une lutte sans relâche contre les terroristes.

3 jours de deuil national sont décrétés et l’ONU demande une commission spéciale d’enquête. Benazir Bhutto était âgée de 54 ans. Elle a été enterrée auprès de son père dans leur village familial. Dans un premier temps, on a évoqué la possibilité que son jeune fils qui étudie en Angleterre revienne à son tour au Pakistan et prenne la succession de sa mère à la tête du PPP.

Une page de l’histoire contemporaire politique du Pakistan s’est en tous les cas tournée avec l’assassinat de Benazir Bhutto.