Formateur ou girouette ?

Dernière Heure du 10 août 2007 par Christian Carpentier

S’il s’agissait de Nicolas Sarkozy, on parierait pour une stratégie d’occupation des médias savamment construite. Mais Yves Letherme est aux antipodes du président français, sur ce point-là comme sur bien d’autres. Et s’il a désormais quasi quotidiennement l’honneur des colonnes de journaux et des JT pour autre chose que le fond de sa mission, si les polémiques se multiplient écornant chaque jour un peu plus son image comme celle de l’ensemble des négociateurs, et s’il donne l’impression inquiétante de subir les choses plutôt que de les initier et de les maîtriser, il ne doit s’en prendre qu’à lui-même et à sa méthode.

Ou plutôt à son absence de méthode. Mélanger sans arrêt les thématiques, jouer l’effet de surprise sur l’agenda, convoquer et annuler des réunions n’aurait rien de choquant si cela permettait d’avancer. Or, c’est tout l’inverse. La semaine qui s’achève, qu’on annonçait pourtant cruciale, aura été dramatiquement vide de contenu.

Plus personne n’est dupe : Yves Leterme improvise tout ce qu’il entreprend. Il le fait au gré de ses humeurs, des pressions qu’il subit de son parti, des réflexions qu’il entend au hasard d’une conversation. C’est dur, mais c’est ainsi : celui qui se préparait à entrer au 16 depuis de très longs mois déjà apparaît, à présent qu’il est au pied du mur, comme dramatiquement impréparé à endosser le costume.

Le formateur donne à ceux qui le côtoient au quotidien l’image d’un politicien sans vision, sans structure, sans relais, sans idées et sans enthousiasme. Son manque d’autorité, qui l’amène à se cacher maladroitement dans des hôtels ou à faire sortir les convives par des portes dérobées pour éviter les phrases assassines des négociateurs auxquels il est incapable d’imposer un silence radio, fait pour le moins réfléchir.

Car le rôle d’Yves Leterme n’est pas seulementd’accoucher d’un accord de majorité. Il sera surtout, demain, de prendre les rennes d’un des gouvernements les plus délicats à diriger de l’après-guerre. Et si c’est pour appliquer les mêmes recettes que celles dont il fait usage depuis la mi-juillet, on peut légitimement se demander si c’est encore bien la peine d’essayer.