Les Azalées. Un quartier apaisé ou berné ?

Le 8 octobre prochain, la phase test des aménagements avenue des Azalées et rues avoisinantes fera l’objet d’une réunion entre les autorités communales et les riverains. Depuis la réalisation de ses aménagements sans aucune concertation, les positions sont très tranchées : entre ceux qui trouvent que cela a apaisé l’artère et ceux qui au contraire estiment que cela la coupe du reste du monde, point de vue soutenue en grande partie par les commerçants. Pour ma part en tant que Schaerbeekois, ne vivant pas dans le quartier, j’ai un constat premier : l’avenue des Azalées qui était jusqu’alors l’une des artères les plus élégantes de notre commune, face au parc Josaphat, a été totalement saccagée d’un point de vue esthétique.

François Robert, journaliste honoraire et Schaerbeekois, traduit parfaitement ce ressenti par ces lignes : « Les Azalées. Un quartier apaisé ou berné ? C’était la journée sans voitures. Ou la journée du patrimoine (à chacun sa sensibilité). Et dans les deux cas, un belle occasion pour arpenter Schaerbeek. Le temps était magnifique (presque de quoi vous réconcilier avec le réchauffement climatique). J’ai remonté l’avenue Louis Bertrand, longé le parc Josaphat pour atteindre l’avenue des Azalées. Et là, le choc. Brutal.

Bien sûr, on m’avait prévenu : Azalées, maintenant, c’est laid. Mais je ne m’attendais à ce paysage urbain sinistré. J’ai pas mal voyagé dans ma vie. Les images-souvenirs ont afflué. Beyrouth, Check Point Charlie, la frontière israélo-égyptienne, les casques bleus de Nicosie. Le décor est le même : des chicanes, des blocs de béton, une signalisation aléatoire. Il ne manque que les lettres UN (United Nations), les sacs de sables, quelques guérites, du fil barbelé et les policiers de la Stasi. Je me retourne, j’écarquille les yeux. Je suis pourtant bien à Schaerbeek le 20 septembre 2020 et non à Berlin le 20 septembre 1970, il y a cinquante ans.

Un quartier « apaisé », pour utiliser la nouvelle terminologie. Il paraît que cela rime avec mobilité douce. Moi, je ne vois que des blocs de béton gris jetés sur la voirie, les voitures garées au milieu de la chaussée, une signalisation incompréhensible. C’est laid, c’est moche. C’est déroutant, angoissant même. Plus un promeneur dans les rues et un glacier fermé. Allons, allons, c’est pour la bonne cause : pour éviter le trafic du transit. Effectivement. Je peux témoigner qu’il n’y a personne.

Sommes-nous devenus fous pour aliéner nos sens et ne pas voir que l’avenue des Azalées est désormais l’artère la plus laide de Schaerbeek ? Face à un tel aménagement, je me sens mal à l’aise. Je suis effrayé. Les mots ont un sens et quand on les manipule, c’est rarement sans arrière-pensée. Changer les mots, c’est la porte qui s’ouvre vers d’autres dérives.

Un quartier « apaisé » ? J’appréhende le jour où il sera « tranquillisé » Ou « assagi » A moins qu’il ne soit bientôt franchement « pacifié ». Voire « guéri ». Et sûrement « délivré » (des voitures ?).  Ouvrez les yeux : les Azalées, c’est moche. Extrêmement moche. Je doute sincèrement que les habitants apprécient un tel aménagement, même temporaire (le temporaire dure très longtemps à Bruxelles). Vivre dans un environnement laid n’a rien d’enthousiasmant.

Les Azalées ? Un quartier floué, trahi, berné, dupé et escroqué par quelques égarés, sacrifié sur l’autel d’une rhétorique verbeuse à la mode qui se gave de mots galvaudés. Cela ne vaut pas la peine. » (la photo qui sert d’illustration a été prise par M.F. Dispa un jour d’embouteillages et diffusée sur Facebook, elle donne une idée des aménagements et du stationnement en berme centrale)