L’art de porter le chapeau

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VLAN Bruxelles – Edition du 3 octobre 2007 par Anne Gilain

Mireille van den Borne est une personnalité. De Helmet. A Schaerbeek. Avec un caractère bien trempé. Forcément, quand on commence à travailler à 15 ans dans un atelier de « fleurs et chapeaux »…

A force de talent, de travail, elle s’est fait une place, et un nom, dans la mode belge. Comme modiste. La princesse Mathilde a porté ses créations : le « grand tonkinois » du mariage du prince Laurent, les chapeaux de ses trois premiers « 21 juillet »… Toute une histoire, une passion.

L’atelier remonte aux années 30. « Ma tante, Lily van den Borne y a travaillé comme apprentie, puis en tant que première. Elle en a hérité en 1964 : sa patronne -Mme Declercq- avait perdu sa fille en déportation, elle n’avait plus de famille. Ma grand-mère, d’autres tantes y ont travaillé. » Mireille van den Borne y gagne ses premiers sous à 7 ans, comme petite main. En gaufrant ses premières fleurs en soie pendant les vacances. Un apprentissage qui la marquera.

« Je suis née dedans. J’ai beaucoup appris avec les yeux, ce qui me donne une longueur d’avance sur beaucoup de jeunes créateurs. J’ai connu le beau : les belles matières, le travail bien fait. J’ai travaillé avec la vieille école« .

Pendant 35 ans, elle créera des chapeaux pour les grandes maisons de couture belges : Mies, Nathan, Léonard, Liétard, Frabbi… Plus récemment pour Dooms, Wathelet, Vermeulen, à l’époque où il prend les rênes de Nathan.

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Elle reprend l’atelier en 1983. « La princesse Paola avait remis les chapeaux à la mode lors du mariage de la princesse Astrid. Elle avait un peu révolutionné les mariages royaux en imposant des tenues mi-long, et chapeautées. Lors de toutes les réceptions qui ont précédé la cérémonie, les dames portaient quelque chose dans les cheveux. On a eu du travail, je ne vous dis pas ! »

La mode était relancée mais les modistes se faisaient de plus en plus rares. Une chance pour Mireille, qui va développer ce secteur, en mettant l’accent sur son côté artistique, contemporain. Mais en 2002, « sur un coup de tête« , elle décide de se lancer dans l’aventure sous son nom. Avec pour seule carte de visite, ses 35 ans de savoir-faire, d’expérience. Et son don, son oeil « couture« . Elle vend désormais ses créations directement à sa clientèle, dans sa boutique-atelier de Helmet. Plus d’intermédiaires, moins de charges qu’avenue Louise : les prix s’en ressentent. Le chapeau des « grandes occasions » sur mesure et sur échantillon, devient abordable. Tout en gardant son cachet, son originalité : ses créations se veulent belles mais portables. Même chose pour les coiffures -montées sur peigne ou sur serre-tête- moins imposantes.

« Je travaille sans croquis, à partir de la matière que j’ai en main. En m’inspirant de la nature, d’un motif, d’un rêve -on dit que ceux qui créent le font souvent la nuit, et c’est vrai ! -du contact avec mes clientes« . Une relation précieuse qui développe sa créativité.

Créer un chapeau prend du temps : « Quand tout est prêt, il faut plus de 8 heures de travail pour le réaliser : le tendre, le laisser sécher, l’apprêter, le laisser sécher à nouveau, recommencer, le travailler, poser la garniture… » Tout étant fait à la main, dans l’atelier : de l’artisanat d’art. Qui ne s’improvise jamais.

En septembre, dans une boutique relookée, Mireille a lancé sa propre collection de vêtements. Proposant des tenues complètes, avec chapeaux, coiffures, accessoires et bijoux de fantaisie. « J’ai choisi de privilégier les grandes tailles, qui sont toujours un peu délaissées. Quand on sort des tailles habituelles, on ne trouve rien, ou on tombe tout de suite dans des trucs « bobonnes », genre « sac à pommes de terre », bien droits. Or, de plus en plus de jeunes femmes sont fortes, moins complexées que les générations précédentes, qui deviendront encore plus fortes en vieillissant. On nous a inculqué des préjugés; quand on a des gros bras on ne les montre pas, une forte poitrine, on ne se permet pas un décolleté…Il faut sortir des sentiers battus : être mise à l’écart parce que l’on sort des normes de la société, c’est aberrant« .

Un nouveau pari. Car « on ne s’enrichit pas en travaillant pendant 35 ans dans la couture. Et les banques ne prêtent pas facilement à une femme célibataire« . Tant pis. Mireille s’en passera. Elle ne renonce pas à son rêve. Même si elle sait que personne, dans le métier, ne lui fera de cadeaux.

Où ? 182, chaussée de Helmet – 1030 Schaerbeek Infos ? 02.242.85.37 – http://users.skynet.be/mireille.vandenborne