Le Meyboom perd son président d’honneur : décès d’Antoine Wouters « Toine »

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Ce début d’année 2016 est incontestablement marqué par une succession de décès. Pour le folklore schaerbeekois et bruxellois, c’est une page d’histoire qui se tourne. Après le décès de Julo I qui incarnait « Pogge », c’est le Meyboom qui perd son président d’honneur Antoine Wouters dit Toine.

Il était hospitalisé et dans le coma depuis plusieurs jours déjà. Toine s’en est allé ce samedi matin à l’âge de 81 ans.

C’est très sincèrement avec une grande émotion que j’ai appris sa disparition car Toine était un personnage réellement unique, un être vraiment dans son être comme j’ai rarement eu l’occasion d’en côtoyer tout au long de ma vie.

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Je vais vous expliquer pourquoi. Lorsque je devins échevin des Classes moyennes et du folklore à Schaerbeek en 1994, on me demanda d’intégrer le Meyboom qui se composait à cette époque de membres les bûumdroegers issus des anciens bas-fonds de la capitale à savoir Bruxelles-Ville, Schaerbeek et Saint Josse.

C’est ainsi que je fis la connaissance d’Antoine Wouters, ancien paracommando, qui gérait de main de maître cette petite troupe véritable vivier de la zwanse bruxelloise. Toine avait son franc parler, plus que direct, il ne tournait pas autour du pot et cela me plut immédiatement.

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Je me souviens des réunions de Meyboom dans le local à Saint Josse en présence également de la bienfaitrice madame Stommeleer que l’on appelait avec énormément de respect « Madame ». Quelle époque mais aussi quelle camaraderie, que de beaux liens d’amitié entre tous.

Toine régnait sur ce petit groupe avec le bon sens d’un chef au grand cœur, coupant court aux querelles, aux éventuelles polémiques dans l’intérêt commun. Des décisions tranchées que nul ne contestait car tous savaient pertinemment bien que Toine avait fondamentalement raison avec son dernier mot.

Toine était doté d’un charisme peu commun. Il haussait souvent le ton mais jamais à mauvais escient et souvent de manière surjouée, cela faisait partie de son style mais c’était aussi devenu au fil de temps sa marque de fabrique. Une voix plus rude, plus bourrue avant un grand éclat de rire et un sourire.

Au fil du temps, je suis devenu plus proche de Toine, notre Président. Lui qui gérait ce Meyboom d’une main experte, tout cela avant que l’UNESCO et les médias ne s’en intéressent, était une personne fondamentalement très réservée sur sa vie privée.

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Il fallait le voir à l’œuvre lors de la plantation du Meyboom le 9 août, toujours à vérifier scrupuleusement que les horaires étaient bien respectés, rappelant gentiment à l’ordre ceux qui retardaient le convoi. Et puis l’arbre planté à heure et à temps, il s’éclipsait. Je me suis plusieurs années de suite interrogé sur le fait que le président Toine s’en allait de la sorte si vite au lieu de festoyer avec le reste du groupe.

Devenu plus proche au fil des ans, j’appris que Toine avait eu le coup de foudre que l’on a parfois dans une vie pour la belle Ariane. Hélàs, lorsque la jeune femme n’avait que 29 ans, elle fut victime d’une thrombose qui la laissait dans un état presque végétatif. Toine qui l’avait demandée en mariage peu avant, décida d’aménager leur appartement de manière à ce qu’elle puisse continuer à y résider avec les soins médicaux nécessaires. Cela dura pendant 16 ans. Il fallait voir Toine, le dur, le bourru en société, une sorte de Jean Gabin, lorsqu’il était devant son Ariane. Il y a 12 ans, elle s’en est allée. Toine avait veillé sur elle comme il se l’était promis.

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Pendant toutes ces années, Toine a pu compter sur la précieuse présence de Joelle, l’infirmière d’Ariane, qui au fil du temps, prit soin aussi de lui et devint sa famille d’adoption. Je pense en ces moments beaucoup à Joelle et aux siens qui ont tant compté pour Toine et qui lui ont tant apporté.

L’âge faisant, Toine avait pris la décision de se retirer progressivement, assumant la présidence d’honneur du Meyboom. Il était bien entendu toujours présent le 9 août tout au long du parcours, montre à l’œil.

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Pas évident d’avoir su manœuvré avec finesse et doigté comme il l’a fait car le Meyboom d’il y a 20 ans n’est plus le même Meyboom. Il est encore plus devenu un moment incontournable de notre folklore bruxellois, à une période où l’on se rattache plus que jamais à ses racines, à son histoire ; un Meyboom reconnu par l’UNESCO et qui suscite plus d’engouement que jamais auprès des médias.

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L’équipe qui a repris la barre, avait une tâche bien ardue que de lui succéder dans la gestion pratique des choses. Car je le répète et le souligne avec insistance, il ne m’a pas été donné tout au long de ma vie de rencontrer un personnage d’une telle envergure, d’un tel charisme et d’un tel cœur empli de bonté et de générosité comme celui de Toine.

On dit souvent au moment du départ d’un être cher qu’il nous manquera, que l’on ne l’oubliera pas, qu’il laisse une marque indélébile dans nos mémoires, mais avec Toine c’est une évidence.

Un Meyboom sans sa gouaille, sans ses petites interventions, sans son rire et surtout son sourire, c’est définitivement une page de notre ville de Bruxelles qui brusselait qui s’est refermée à jamais.

Adieu, Président !