Adieu au Roi Pelé (1940-2022)
Le Roi Pelé (1940-2022) vient de nous quitter. Comment ne pas se souvenir de ce jour de 1992 lorsqu’il vint de manière inattendue à Schaerbeek au terrain Renan ? Depuis 1991, j’étais échevin sans attributions au sein du Collège échevinal schaerbeekois. On me reprochait de trop m’occuper des jeunes en général et d’origine étrangère en particulier.*
Je continue cependant via d’autres ressources mais sans moyens communaux à lancer des projets sur le terrain schaerbeekois avec l’opération de prévention contre la toxicomanie « Bouton blanc ». Nous développons dans cette optique une action sportive « Oui au sport, non à la drogue ».
Deux animateurs coordonnent une cinquantaine de jeunes qui viennent jouer au football sur la plaine Renan. Depuis le retrait de mes attributions, je travaille à mi-temps au cabinet du Ministre bruxellois Didier Gosuin qui est à cette époque en charge des sports.
C’est alors que survient l’épisode « Pelé ». Dans le cadre d’une campagne de sensibilisation contre la violence dans les stades, destinée aux supporters, l’Union belge accueille pendant trois jours la plus grande légende du football de tous les temps : le « Roi Pelé ». Son planning est très serré : les trois jours et demi de sa visite sont notamment consacrés à la rencontre des ministres des Sports des trois régions dont Didier Gosuin pour la Région bruxelloise.
La journée commence à Auderghem avec le superbe complexe sportif qui compte pas moins de six terrains de football. Dès 9h, des centaines de jeunes se pressent pour voir cette légende vivante qui se présente sous un tonnerre d’applaudissement.
L’homme est sympathique et passe énormément de temps avec les jeunes. Tout d’un coup, une idée me traverse l’esprit, même si elle relève peut-être de l’utopie du moment : pourquoi ne pas amener Pelé jusqu’à la plaine Renan où les jeunes jouent sur un terrain vague ?
J’en parle à Didier Gosuin et lui demande si ce ne serait pas une bonne idée de proposer à Pelé d’aller de l’autre côté de Bruxelles voir des jeunes qui n’ont pas la chance d’avoir des infrastructures comme celle d’Auderghem. Il trouve l’idée certes très bonne mais sous réserve que Pelé accepte de chambouler son programme déjà chargé.
Celui-ci marque son accord. J’ai à peine le temps de prévenir un riverain de Renan (le GSM n’existe pas encore…) pour qu’il prévienne à son tour les animateurs et qu’il essaye de faire venir un maximum de jeunes.
Il est 11h15 et un convoi de six véhicules quitte Auderghem pour rouler vers Schaerbeek. Je suis dans le véhicule de Pelé et lui explique via un interprète le contexte politique local, ainsi que la dynamique « Bouton Blanc ». Il se montre réceptif et du coup, je me lance en lui demandant s’il accepterait de parrainer l’action « Oui au Sport Non à la Drogue ».
Il me sourit et accepte. Je sors un bout de papier de ma poche et écris en quelque lignes que le soussigné Pelé autorise « Bouton Blanc » à utiliser la photo que nous allons prendre ensemble dans le cadre de l’action « Bouton Blanc » et à titre gratuit. Il se fait expliquer ma demande et signe.
Nous arrivons à Renan, les jeunes sont intrigués de voir ces voitures en cortège. Ils m’aperçoivent et me lancent des regards interrogateurs. Tout à coup, sort de la voiture sous leurs yeux ébahit le Dieu Pelé ! Tous croient rêver, les animateurs sont tout aussi surexcités face à cette apparition.
Pelé prend un ballon, fait une passe puis une autre. Nous ne restons qu’une demi heure. Mais cela paraît une éternité. Le roi Pelé serre la main des cinquante jeunes puis repart. J’ai fait de la politique durant 30 ans dont 18 ans comme échevin. Si on me demande si dans ma carrière j’ai rencontré un humaniste, c’est bien Pelé (qui fut ensuite Ministre des Sports au Brésil et très impliqué dans l’humanitaire). Lorsque je croise des jeunes qui étaient présents ce jour-là et qui sont devenus aujourd’hui des pères de famille, ce souvenir magique est toujours évoqué avec beaucoup d’émotion.
Ce dieu du stade au grand cœur, qui utilisa tout le reste de sa vie, sa notoriété pour l’amélioration de la qualité de vie des autres, avait donné de son temps pour des jeunes de Schaerbeek qui ne disposaient alors pas d’infrastructures sportives minimales.
Le monde vient de perdre un très grand monsieur.