Episode 22 : C’était au temps où Schaerbeek rentrait…

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Deuxième partie : Prises de conscience – Episode 22

Déjà la fin des vacances. Une grande fête de clôture d’ « Eté Jeunes » Schaerbeek est organisée, en présence des différentes associations partenaires, des représentants du ministre Valmy Féaux. J’ai la fierté de constater que 600 personnes (parents et enfants) y participent.

C’est la rentrée et les défis à relever ne manquent pas. La Région bruxelloise a annoncé sa volonté de financer le réaménagement du site Renan, à la suite d’une réunion organisée par mon service et les riverains. La subvention est conséquente : 10 millions de francs belges (250.000 euros). Voilà de quoi animer les futures séances du Collège !

Lors d’une discussion en aparté, le nouveau Bourgmestre Léon Weustenraad attire mon attention sur le fait que les autres échevins sont plus qu’exaspérés par le fait que je sois presque tout le temps sur le terrain.

Je lui explique que je n’ai pas vraiment le choix, car je suis pour ainsi dire sans budget. Et je n’ai que Robert et Nicole à mon service.

Léon Weustenraad me confirme que pour le budget, il n’est pas possible de l’augmenter, mais en revanche il me propose de me céder ses compétences « affaires sociales ».

Bien que Francis Duriau, président du CPAS, ait pris dans son sillage bon nombre des compétences du département, il reste encore quatre fonctionnaires installés à la maison communale.

Cela tombe bien, car les deux bureaux sont situés juste à côté de mon secrétariat. Voilà donc Josiane, Maryse, Monique et Nicole qui viennent renforcer ma petite équipe. Je remercie Léon pour ce cadeau inespéré. Lorsque le point passe pour approbation au Collège, certains ne peuvent masquer leur joie…

Les membres de la nouvelle équipe ainsi constituée se connaissaient déjà. Nous sommes donc très vite en ordre de marche.

Nous avons bien du pain sur la planche avec le dossier de la piste de skateboard dans le parc Renan mais aussi des contacts avec la SLRB (Société Régionale Bruxelloise du Logement) pour la rénovation du bâtiment de la rue de Locht, 91-93 (ex-section garage de l’école de La Ruche). Avec l’échevin Op de Beek en charge de l’urbanisme, nous parvenons à négocier qu’après les travaux exécutés par la SLRB, la Commune louera les lieux pour en faire une maison de jeunes. L’accord est conclu en septembre 1989. C’est aujourd’hui le Centre culturel de Schaerbeek.

A l’époque comme aujourd’hui, la drogue était un fléau. Elle rôdait et guettait nos jeunes. Mais en 1989, peu de gens s’en alarmaient à Schaerbeek. Les politiques ne trouvaient pas opportun d’en parler et les directions d’école considéraient le sujet tabou.

J’ai côtoyé des jeunes durant tout l’été. Pendant « Eté jeunes », nous avons réalisé le meilleur mais nous avons également pris conscience du pire : la drogue est bien présente dans nos quartiers.

Certains jeunes m’ont expliqué qu’ils étaient régulièrement interpellés par des dealers, que d’autres jeunes étaient embrigadés comme vendeurs. Je fus stupéfait de découvrir l’ampleur du phénomène. De très jeunes Schaerbeekois étaient tombés dans les filets de la drogue, contredisant le discours rassurant des directions d’école. Et cela touchait tous les réseaux d’enseignement.

La police ne considérait pas non plus la drogue comme une priorité. Il y avait fort peu de prévention, à l’exception de celle faite par Infor Drogue que je rencontre le 9 octobre 1989 pour être précis. Cette association, comme son nom l’indique, donne des informations satisfaisantes mais elle dispose de très peu de moyens pour fonctionner.

Quelques mois plus tôt, en juin 1989, Jean De Cooman responsable de l’association de « De Fabriek », m’avait informé qu’une camionnette était laissée à l’abandon à 50 mètres de son association. Elle servait aux dealers pour vendre et consommer leurs drogues.

Je l’avais évidemment signalé au service compétent à de très nombreuses reprises. Hélas, près de 4 mois de vaines interventions n’avaient servi à rien. J’ai alors estimé qu’il y avait là un cas flagrant de non-assistance à personne en danger. Nous décidons (il y a prescription et je puis donc le raconter aujourd’hui) à plusieurs de tracter l’épave et nous l’abandonnons 200 mètres plus loin au beau milieu de la voie publique. Vous pouvez l’imaginer : le problème fut cette fois-ci vite résolu !

Je ressens la nécessité d’agir sur le terrain. Avec mes collaborateurs, nous créons l’ASBL « Imaginactions » qui va développer et coordonner des activités pour les jeunes sur le terrain.

Je me rends aussi vite compte que pas une seule école schaerbeekoise n’est disposée à parler de cette réelle problématique de peur d’être stigmatisée par les autres établissements. Je prends donc la décision de développer la sensibilisation. C’est ainsi que voit le jour l’ASBL Bouton Blanc. Je l’ignore alors mais elle va permettre enfin de faire changer les mentalités, de lever bien des tabous, et favoriser une prise de conscience collective et salutaire à Schaerbeek et ailleurs.

A demain.