Episode 28 : C’était au temps où Schaerbeek « phénixait »…

Deuxième partie : Prises de conscience – Episode 28

Le début de l’année 91 est chaotique. Il est rythmé par les projets d’intégration proposés par les « colombes » du Collège (dont votre serviteur) vite rejetés par les « faucons ». Il en va de même pour les propositions faites par le tissu associatif : elles sont écoutées par quelques-uns… et ignorées par tous les autres !

Durant plusieurs semaines, nous assistons à des mises au point par presse interposée entre les deux tendances du Collège. La Région bruxelloise s’en mêle à de nombreuses reprises.

Je sens confusément qu’une véritable guerre vient d’être déclarée entre l’ombre et la lumière pour le futur de Schaerbeek. Et j’en serai le détonateur. L’issue du bras de fer attisé par les médias et par l’intervention de la Région, sera clairement sans pitié. Pas de demi-mesures, ce sera le retour de la lumière ou un nouveau détour par les ténèbres pour notre commune.

Au milieu de cette pagaille et de cette guerre des communiqués, je continue mon travail, imperturbable. Je suis entouré d’une équipe désormais très performante et je peux compter sur l’aide de nombreux bénévoles. Avec le recul, je me rends bien compte qu’il y avait de notre chef une dose certaine de naïveté et d’inconscience. Je ne mesurais pas vraiment la portée de ce bras de fer. Bref, nous continuons à faire fonctionner nos différentes activités sans trop se préoccuper du lendemain. L’asbl Bouton Blanc continue à développer ses actions sur le terrain et la maison du 99 rue de Jérusalem (le Stalag) accueille l’équipe d’ « Atout Projet » qui travaille sur le quartier.

Les jeunes occupent les 1^er et 2^e étages. Le lieu devient rapidement la vitrine du hip-hop en Région bruxelloise. Le hip-hop, rappelons-le, est une culture typiquement urbaine née en Amérique fin des années 70. Elle rassemble toutes sortes de disciplines dont le rap et le graff (expression picturale de rue).

Je me rends fréquemment au Stalag si bien que je suis présenté à plusieurs artistes du hip-hop de notoriété internationale. La venue de ces artistes contribue largement à faire connaître le Stalag bien au-delà des frontières communales et même bruxelloises.

J’avoue que ce mode d’expression (que je respecte) n’a jamais été ma tasse de thé. Mais je ne suis pas là pour me faire plaisir. Je veux servir de maillon. Les jeunes l’ont bien compris et m’acceptent. Grâce à cette confiance réciproque, une fois de plus l’impossible va pouvoir se concrétiser. Nous y reviendrons plus tard.

Durant ce premier trimestre 1991, je multiplie également les contacts avec des institutions susceptibles de renforcer le dispositif jeunesse que je mets en place à Schaerbeek. Je cite la Région, la Fondation Roi Baudouin, le centre d’égalité des chances et bien d’autres encore.

Début mars, j’envoie à la Région une nouvelle version des projets d’intégration dont le financement s’élève à 8.000.000 FB (près de 200.000 euros). La Région y répond favorablement. Au Collège par contre, les faucons s’attèlent à nouveau à « corriger » ce document afin de lui faire perdre toute consistance. Pour moi, c’en est trop ! Voir toute cette énergie réduite en miettes et ces dossiers savamment élaborés brusquement vidés de leur substance me dégoûte. En outre, Schaerbeek, dont la situation financière est franchement mauvaise, se prive stupidement de moyens considérables. Il me faut absolument réagir et ne pas laisser faire.

Le vendredi 29 mars, au 304-306 de la chaussée de Helmet a lieu la pose de la première pierre du bâtiment qui abritera la bibliothèque flamande. L’échevin Philippe Op de Beek, en charge du dossier, se plie à la tradition de la truelle. Je suis présent. A cette occasion, je croise le journaliste du Soir Daniel Couvreur. Nous abordons bien sûr la saga de la subvention des projets pour les jeunes et je lui annonce mon intention d’envoyer prochainement à la Région ma version du volet dont je suis politiquement responsable. Et ce sans l’accord du Collège.

Il me demande s’il peut y consacrer un article. Je lui réponds par l’affirmative mais pas avant le vendredi 5 avril, sachant que je rentrerai le samedi soir de mes vacances au ski et que le prochain Collège n’aura lieu que le mardi.

Le papier sort le jour dit, titré « L’intégration, Phénix Schaerbeekois ». Il y révèle que l’échevin Jean-Pierre Van Gorp entend faire renaître le projet d’intégration de ses cendres et l’adresse à la Région… sans l’avis de ses collègues du Collège.

Au Collège du mardi, les foudres vont s’abattre.

A demain.