Episode 61 : C’était au temps où Schaerbeek investiguait
Troisième partie : action consciente – Episode 61
Souvenez- vous : en 1994, lorsque le nouveau commissaire Johan Demol est nommé à la tête de la police communale, il modifie en profondeur le service grâce à un budget triplé et à l’engagement de 200 policiers dont il avait été pour la plupart l’instructeur à l’époque où il travaillait à l’Ecole de police. Il obtient très rapidement d’excellents résultats, ce qui lui donne une notoriété dépassant largement les limites territoriales de Schaerbeek. Néanmoins après quelques mois, plusieurs membres du Collège trouvent certaines méthodes utilisées « très limite ».
Le commissaire réorganise en effet son corps de police de manière à ce que tout soit centralisé et cloisonné, une politique qui est totalement à l’opposé d’une police implantée dans les quartiers, où la relation de proximité avec les habitants est primordiale.
Dès 1995, avec le soutien du Bourgmestre, il travaille sur le projet de construction d’un nouveau commissariat. Lorsque nous découvrons en séance du Collège le projet de la maquette, nous sommes plusieurs à être interpellés par l’architecture qui ressemble à un bâtiment sécurisé d’Allemagne de l’Est dans les années 60 !
Il s’agit en effet d’une espèce d’un bunker de 120 mètres de long, sur trois étages où, en cas de problème, la police peut se retrancher en toute sécurité. Etrange concept pour une police communale qui est plutôt censée favoriser la proximité avec ses citoyens.
Le projet hérite du surnom de « Pogge Monstre ». Il devait être construit à l’angle de la place Pogge et de la rue Rubens dans les anciennes écuries du dépôt de la STIB qui abritent aujourd’hui le marché bio des « écuries van de Tram ».
Au fil du temps, les inquiétudes grandissent au sein du Collège et du Conseil communal.
En 1997, le journal « De Morgen » dévoile l’appartenance de Johan Demol dans sa jeunesse (à l’âge de 18 ans) au groupe d’extrême droite « Front de la Jeunesse ».
Nous le convoquons au Collège pour l’interroger sur la véracité des faits, en lui expliquant que cela peut probablement être considéré comme une erreur de jeunesse. Il nous répond qu’il ne comprend pas ces accusations et nous jure qu’il n’a jamais été membre de cette organisation. Nous prenons acte, il nous salue (je m’en souviens encore) avec une certaine arrogance et se retire.
Quelques semaines plus tard, nouvel article dans « De Morgen » avec cette fois-ci une photo de sa carte de membre datée de l’année 1975. Par la suite, je me suis souvent demandé s’il n’avait pas en définitive lui-même organisé sa chute inéluctable.
A nouveau devant le Collège, nous lui rappelons qu’il nous avait juré ne pas avoir de carte de membre du groupement. Nous avons le sentiment d’avoir été bernés par un individu capable de mentir effrontément, attitude inadmissible de la part d’un commissaire en chef. Néanmoins soutenu par quelques échevins et le Bourgmestre, il reste en place en devenant de plus en plus arrogant.
La coupe déborde lorsqu’il accorde une interview au journal du Vlaams Blok sur la nécessité d’accroître la politique sécuritaire.Visiblement Johan Demol est en campagne électorale et multiplie les provocations pour se faire limoger et ensuite jouer les martyrs, ce qu’il réussit en partie.
Pour mettre un point final à cette saga, c’est en tant que président de la section FDF que je convoque la presse en début d’après-midi, en ce lundi de début janvier. Entouré des échevins Clerfayt et De Herde ainsi que nos conseillers communaux, nous demandons la démission de Demol.
Vers 11h, je contacte le Bourgmestre et lui propose d’être présent à nos côtés lorsque nous recevons la presse. Il accepte. Tout rentre dans l’ordre au sein du Collège.
Ces événements sonnèrent évidemment le glas de sa carrière de commissaire à Schaerbeek. Le Ministre de l’Intérieur Johan Vande Lanotte signifiera officiellement sa révocation le 27 janvier 1998.
Demol aura utilisé sa fonction de commissaire en chef pour se construire une notoriété qu’il mettra ensuite au service de l’extrême-droite pour assurer ses débuts en politique.
Entre Francis Duriau et moi, s’est installée une relation faite de complicité et de confiance. Un soir, nous sommes tous les deux à l’inauguration des nouveaux locaux de Euromut, une mutuelle située rue Royale Sainte Marie, et une intuition me vient tout à coup.
A demain.