Jean-Pierre Van Gorp : à coeur ouvert (4ème partie)

Les dernières semaines ont été particulièrement « violentes » au niveau de la campagne. C’est là probablement que tout s’est joué en faveur de Bernard Clerfayt. Quelle est votre analyse à ce sujet ?
JPVG : Longtemps, le PS a fait campagne fort seul. C’était le premier parti qui avait adopté un programme, qui avait une liste équilibrée en tenant compte de tous les quartiers de Schaerbeek. Longtemps donc, le PS a été seul à battre campagne, comme on dit. Dans les rangs du MR c’était plutôt la débandade puisque plusieurs conseillers communaux sortants n’ont pas souhaité figurer sur les listes, d’autres militants de longue date non plus.
Clerfayt a beaucoup dû galoper pour convaincre l’un ou l’autre de se mettre sur la liste, parfois aussi d’y faire le bouche trou indispensable car il fallait une femme, ou un senior ou un commerçant ou encore un jeune candidat. Jusque là, nous étions grosso modo à « armes égales » mais au cours de l’été cela s’est emballé. Certes, depuis le début, le ton avait été donné : Clerfayt avait traité Laurette de tous les noms dans la presse. Cette agressivité verbale avait d’ailleurs été montrée du doigt par le politologue Pascal Delwit. La campagne a ensuite pris une toute autre tournure lorsque Clerfayt a enfin eu sa liste complète : c’était devenu la liste du Bourgmestre une liste composée de vrais schaerbeekois face à l’ « étrangère ». Cela sonne gros dit comme ça mais c’est bien le résumé de la situation. Il fallait voir le site de la Liste du Bourgmestre : tous vantaient leurs origines schaerbeekoises, ils y avaient fait leurs études, s’y étaient mariés ou encore y avaient laissé la peau de leurs genoux étant enfants ! C’était en fait très émotionnel, et cela a marché. Il suffit de se souvenir de l’affichage électoral. Les affiches de Laurette était immédiatement brocardées dans certains quartiers par des militants du MR dont certains proches d’échevins, c’est dire dans quelle spirale de folie certains se trouvaient ! Le dernier coup fut le tract « papilotte » du MR. En bref, c’était voter Clerfayt ou bien toutes les autres alternatives donnaient Laurette Onkelinx. On a joué là-dessus, on a présenté Laurette sous mille maux mais surtout en parlant systématiquement d’elle comme d’une étrangère qui n’avait rien à faire à Schaerbeek. Ce fut très agressif. A ce stade-là, il ne fut plus question de programme, des autres candidats mais bien d’un duel. Une grande partie de l’électoral a suivi, même l’électoral de Johan Demol a été phagocyté par cette stratégie de communication. Pour moi, Clerfayt en utilisant de tels procédés, a joué un peu comme Nols à l’époque avec l’émotionnel des Schaerbeekois (exemple : l’affaire des guichets,…) et cela a étant payant pour lui. Pas sûr qu’il faille s’en réjouir car ces 12.000 voix de préférence ne sont pas 12.000 voix en sa faveur mais 12.000 voix acquises par des votes de peur ou de rejet de l’autre. Ca c’est inquiétant et je m’étonne que la presse n’ait pas davantage dénoncé cette ostracisation d’un autre temps.

Le soir des élections avez-vous été déçu par votre score personnel et par celui du PS ?
JPVG : Le score du PS, non je n’en ai pas été déçu. J’en ai même été très surpris, agréablement surpris. Avec toutes les campagnes infâmantes que l’on lançait contre le PS et la campagne très agressive contre Laurette, voir que plus de 25% de l’électorat a voté en connaissance de cause pour un parti qui proposait un programme, c’est plutôt rassurant. Pour ce qui est de mon score, je savais bien qu’en ayant fait le choix que j’avais fait, certains suivraient d’autres pas. Je m’étais fixé la barre psychologique des 1.000 voix. On espère toujours plus mais avec le recul c’était impossible de faire plus.
Lorsque je compare avec les échevins sortants du MR et d’Ecolo (pour ces derniers vu leurs faibles scores n’en parlons même pas), il n’y a pas de quoi rougir. Je n’avais plus de compétences et surtout je ne disposais plus des moyens de communication comme eux. L’échevin qui fait le plus de voix est Georges Verzin (PRL) avec 1.906 voix, ce qui n’est quand même pas grand chose puisqu’il n’atteint pas la barre des 2.000 voix. Les autres se situent dans un mouchoir entre 1.900 et 1.000 voix. Je fais même plus que Michel De Herde (FDF). Non, vraiment, pas de quoi s’apitoyer en ce qui me concerne. J’ai de plus été ravi du score fabuleux de Laurette au vu du contexte : plus de 5.000 voix. Ce n’est pas rien dans les annales de Schaerbeek.

Comment avez-vous vécu le fait d’être relégué dans l’opposition suite au « lâchage » d’Ecolo ?
JPVG : Cela étonne toujours lorsque je le dis mais ceux qui m’ont vu dans ces moments-là le savent bien. J’allais bien car pour rappel la nuit des élections, c’était mon 50ème anniversaire. Je n’allais quand même pas gâcher ce moment. Le 9 octobre à midi, je suis d’ailleurs aller manger en tête à tête avec ma femme un bon steack frites comme je les aime dans un restaurant de Schaerbeek. Et le soir, nous avons remis cela avec l’un de mes meilleurs amis et son épouse.C’est dire que j’allais bien.
En revanche, j’ai eu du mal à digérer que la fabuleuse percée du PS à Schaerbeek ait du coup été mise sur le côté. On a parlé d’un échec du PS et de la victoire d’Isabelle Durant. Là, j’avoue ne plus suivre. Il y a eu 4 gagnants : Bernard Clerfayt lui-même et non pas la Liste du Bourgmestre, car c’est lui qui a fait le score de sa liste. Sans son score personnel, cette liste n’aurait eu que 16-17 sièges maximum ; le CDH qui passe de 3 à 5 élus ; le PS qui passe de 5 à 13 élus ce qui n’est pas rien et puis la démocratie car la liste de Johan Demol est passée de 4 à 1 élu.
(à suivre…)