Episode 1 : C’était au temps où Schaerbeek riait…

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Première partie : Insouciance – Episode 1

Un lundi après l’école…

Je faisais le guet depuis la fenêtre de notre appartement du 2ème étage, à l’angle de la rue Général Eenens et de l’avenue Voltaire. De là, je pouvais embrasser totalement la place Van Ysendijk. Mon impatience ne cessait de monter, l’attente devenait intolérable et mon imagination s’enflammait. Et puis, tout à coup, le moment tant attendu arriva : un premier convoi apparut suivi par d’autres : la kermesse de printemps prenait ses quartiers à Schaerbeek ! Pour moi qui n’avais que 5 ans, c’était le grand bonheur : j’allais pouvoir me promener entre les roulottes et voir les métiers se monter.

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Je sais que la mémoire des enfants embellit et déforme souvent les choses. Mais qu’importe ! Je revois cette allée interminable, colorée et trépidante de manèges. Un ravissement pour un petit garçon de mon âge. A l’avant, les avions, prêts au décollage, et la musique de « Milord » d’Edith Piaf qui passait en continu. En face, il y avait mon manège préféré avec sa floche qui une fois attrapée, donnait droit à un tour gratuit. Puis venaient les autos tamponneuses De Pamelaer, le flash des néons, le Lunapark américain, le Mégève avec sa grande structure en bois… sans oublier les beignets de chez Meulemans et De Corte.

A l’époque, la foire annuelle de Schaerbeek était le grand événement festif de l’année. Elle durait 3 semaines et s’étendait sur les places Lehon, Colignon et Van Ysendijck. L’apothéose de la fête foraine se produisait le dernier dimanche, avec  le « Cortège de Schaerbeek », de renommée nationale, qui comptait pas moins de 72 groupes et fanfares. Dès le matin, les bistrots ouvraient pour accueillir les formations, offrant la bière et le vestiaire. Ensuite, tout ce beau monde convergeait en musique vers le lieu de départ. Et la grande fête pouvait commencer !

Au début des années 1960, ce type d’événement populaire attirait les grandes foules. La vie de quartier était bouillonnante et prospère et le spectacle était dans la rue. Les associations et les comités en tous genres tenaient le haut du pavé. La Foire de Schaerbeek, c’était la cerise sur le gâteau ! Pour l’enfant que j’étais, c’était un pur émerveillement que de voir tous ces manèges lumineux. Et pourtant, la Foire de Schaerbeek ne monopolisait pas la vie locale : il y avait aussi, juste à côté, la fête de la place Pogge. Tout aussi colorée, elle était soutenue par ses commerçants dont le magasin de vêtements « Chez Paula », le café « Les Trois Rois » et la mercerie.

Evoquer mon enfance me ravit. Souvenirs d’une vie heureuse et insouciante, qui laissait une grande place au rêve.

En ce temps-là, Schaerbeek avait su garder un environnement champêtre. Au bout de l’avenue Voltaire, à l’ombre du Palais des Sports (qui sera démoli en 1967 lorsque j’avais 11 ans), il y avait deux petites mares en bordure du parc Josaphat et j’aimais y pêcher les tritons avec mes turbulents camarades. Il faut dire qu’il ne nous fallait pas grand-chose pour nous amuser. Un rien nous comblait ! Mais quand nous recevions un « vrai » cadeau à notre anniversaire ou à la Saint-Nicolas, c’était la joie décuplée et la fierté de pouvoir l’exhiber aux copains

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Pour me rendre à l’école, je devais emprunter la rue Général Eenens. Certains jours, elle me paraissait démesurément longue. Il est vrai que l’artère commerçante comptait de nombreux magasins qui attiraient inévitablement mon regard à l’aller comme au retour de l’école : la poissonnerie « Chez Maria », l’épicerie « Chez Victorine », la boucherie « Chez Henri », le brocanteur « Chez Mickey » ou encore « Chez Brilux » la chemiserie avec sa splendide vitrine.

Tout au bout de la rue, s’élançait la maison communale de Schaerbeek, imposante et monumentale, digne d’un palais. Mes petites gambettes devaient encore un peu travailler avant d’atteindre la rue Rubens où se trouvait l’école Saint-Servais.

Je fais partie de ceux qui ont connu l’école le samedi matin. Dès que la cloche retentissait enfin à 12h, c’était la libération et le retour à la maison. L’après-midi, je mettais le cap sur la chaussée de Helmet, cœur commercial de Schaerbeek, qui comptait alors près de 250 commerces. Le mercredi après-midi, j’allais régulièrement aux cinémas de quartier « Elite » et « Nova » chaussée de Haecht où j’ai vu des films de cape et d’épée avec Thierry la Fronde, Ivanhoé ou des westerns « spaghetti ».

Tournons la page de mon enfance. Demain, nous faisons un bond d’une décennie. Je vous emmènerai dans les années 1970 sur les pelouses du parc Josaphat.

A demain.