Episode 3 : C’était au temps où Schaerbeek marchait…

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Première partie : Insouciance – Episode 3

Après le « Parc fou » et ce vent de liberté décrits dans le précédent épisode, l’ambiance s’alourdit brusquement à Schaerbeek. Le climat linguistique était devenu très tendu lors des élections de 1970. Jacques Georgin, un militant du FDF, secrétaire de la section laekenoise du parti, fut tabassé à mort par des membres du groupe VMO et de la Volskunie dans la nuit du 11 au 12 septembre 1970, avenue Houba De Stropper à Laeken. Trois autres compagnons furent blessés. A la suite de ce passage à tabac, Jacques Georgin succomba d’un infarctus. Il n’avait que 34 ans. L’une des personnes impliquées, Roeland Van Walleghem, fut plus tard élu sénateur Vlaams Belang puis député régional bruxellois…

La mort de Jacques Georgin eut des conséquences considérables à Schaerbeek. Une stèle et une avenue y furent inaugurées en son honneur. Le Bourgmestre Roger Nols, profitant de cette tension communautaire, décida alors de réorganiser la salle des guichets de la maison communale : quatre guichets pour les francophones, deux pour les étrangers et un pour les néerlandophones.

Voilà qui ressemblait fort à de la provocation communautaire. Cette initiative communale irrita les Flamands les plus radicaux. Après les dimanches du « Parc fou », vinrent les dimanches « dingues » dans les rues de Schaerbeek. Nous n’y avions vraiment pas gagné au change !

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C’est par centaines en effet que les manifestants flamands envahirent nos rues, entraînés par Piet de Pauw et son Taal Aktie Comite (TAK), suivis par le VMO et des militants de la Volksunie. En face d’eux, des centaines de militants francophones s’étaient mobilisés. Entre les deux groupes, des escadrons de gendarmerie et des hélicoptères en stand-by aérien tentaient de tenir les belligérants à distance.

Certains dimanches, Schaerbeek ressembla à une ville en état de siège. Dans les médias, on ne parlait plus que l’affaire des guichets et de ses débordements. Bien des années plus tard, j’ai appris que  pendant que les protagonistes se battaient dans les rues, le bourgmestre Roger Nols et Piet de Pauw du TAK contemplaient la scène depuis les fenêtres de la maison communale en buvant du champagne… Vrai ? Faux ? Devenus célèbres, l’un et l’autre y trouvaient en tout cas visiblement leur compte.

En quelques mois, Schaerbeek et son bourgmestre avaient été portés au devant de l’actualité. Leur notoriété dépassait désormais largement les frontières de la petite Belgique. Mais c’était une image désastreuse qui était véhiculée, bien différente et aux antipodes de la sérénité de la vie locale.

En 1976, le gouvernement désignait un commissaire spécial chargé de faire enlever les enseignes haïes par la Flandre se trouvant au-dessus des guichets. C’est dans la nuit que le commissaire spécial, le vicomte Walter Ganshof van der Meersch, pénétra dans la maison communale de Schaerbeek, encadré par la gendarmerie. Avec l’aide des gendarmes, Ganshof van der Meersch monta sur une échelle (l’homme avait quand même 76 ans) et sectionna les chaînettes maintenant les enseignes, situées au-dessus des guichets. Une scène largement médiatisée et ubuesque…

Schaerbeek se réveilla donc le lendemain avec une solide gueule de bois. Mais les malheureux Schaerbeekois étaient loin de se douter que ce n’était que le premier acte d’une pièce qui allait en compter beaucoup d’autres.

Quant au bourgmestre Nols, il avait visiblement pris goût à cette soudaine notoriété. Il s’est alors petit à petit entouré de conseillers ne manquant pas d’imagination pour appâter la presse. Comment refaire la une des médias ? Pour Roger Nols, tout est désormais possible. Peu importe les conséquences sur la vie des habitants et l’image de Schaerbeek.

A demain.