Episode 4 : C’était au temps où Schaerbeek bougeait…
Première partie : Insouciance – Episode 4
Ma mobylette ! Que de souvenirs et quel bonheur de circuler dans Schaerbeek. Avec les copains et les copines, à 16 ans s’amuser était une évidence On ne parlait pas encore de crises économiques. Les fins de semaine étaient rythmées par les sorties du vendredi au cinéma et les incontournables soirées dansantes du samedi dans les salles schaerbeekoises de Sainte Suzanne, Sainte Elisabeth, Sainte Thérèse, Sainte Famille ou encore la salle de la rue Artan.
Mes dimanches quant à eux se déroulaient chez les scouts la 1er BP Ste Elisabeth. Mon totem était zèbre grammophone. Ensuite en fin de journée, réunions entre amis au Beer Pub ou au Lion Belge.
En ce début des années 1970, ce rythme entre école et amusement va progressivement se bouleverser en raison de la santé de mes parents. Mon père souffre de la polio contractée lors de l’épidémie de 1921. Il lui est de plus en plus difficile de se déplacer. Ma mère aussi commence à présenter des symptômes de cette fichue maladie qui la rongera progressivement et très rapidement.
A 16 ans, je rejoins donc la petite imprimerie familiale située rue Gaucheret, 58 et m’inscris aux cours du soir en arts graphiques à Malines ce qui me permet d’approfondir mon néerlandais.
Nous recevons en 1973 un avis d’expropriation de l’imprimerie familiale pour permettre la construction du futur quartier Manhattan. Le courrier officiel propose 5000 FB par jour où nous quitterons de manière anticipée. Nous avons donc déménagé illico le 1er septembre avec une prime de 450 000FB ! A noter qu’il a fallu attendre 2006 soit 33 ans plus tard pour que les travaux de construction démarrent enfin sur le terrain concerné.
Nous quittons l’avenue Voltaire, quartier de mon enfance pour l’avenue Princesse Elisabeth n°141.Mes grands-parents paternels y avaient une boucherie avant-guerre. Alors que nous sommes un jour en plein travaux pour y installer l’imprimerie familiale, la radio annonce la guerre du Kippour. Il s’en suivit les dimanches sans voitures. Une première crise mondiale d’une longue série.
J’adopte assez vite mon nouveau quartier. L’imprimerie est réinstallée. Mon père édite « Le Grand Schaerbeek » un mensuel distribué en toutes boîtes à Schaerbeek avec un peu de rédactionnel et beaucoup de publicités.
A l’époque, les restaurants ne sont pas nombreux et surtout pas à portée de toutes les bourses. On ne s’y rend que pour les très grandes occasions.
Je me souviens lorsque mon père m’avait emmené dîner à la « Friterie La Schaerbeekoise » située au début de la rue du Pavillon. Mon ami Norbert et moi allions le vendredi soir manger un spaghetti ou une lasagne « Au Laudy Pub ». On découvrait la cuisine italienne. L’endroit était très prisé en raison du très bon rapport qualité-prix. Il y avait au moins 20 minutes d’attente pour une table.
Dès 1974, les restaurants italiens, grecs et asiatiques commencent à se multiplier et à permettre donc plus de choix lors des sorties pour les plus petites bourses.
La même année, mon impatience est récompensée : mon théorique du permis de conduire est réussi lorsque j’ai 17 ans et à 18 ans et 4 jours après 3x 2h de cours pratiques, me voilà titulaire d’une licence provisoire de 6 mois pour pouvoir enfin rouler en voiture. Que du bonheur !
Pour les élections communales de 1976, mon père décide de fonder une liste « Unité des Belges » allant totalement à contre courant des idées séparatistes qui fleurissaient déjà. Il a réussi la gageure de composer une liste complète d’une quarantaine de candidats. Ce fut une campagne assez surréaliste avec des gens de tous les horizons.
Il avait aussi rallié à sa cause le mensuel schaebeekois qu’il imprimait, commençant à exaspérer le bourgmestre Nols. La liste ne fit que 1950 voix au total. Il en manqua 60 pour obtenir un siège. Mais quelle expérience !
En 1977, le cancer emporte ma maman à l’âge de 47 ans. Par la force des choses, je ne dois plus faire mon service militaire étant soutien de famille et travaillant dans l’imprimerie tout en me préservant des loisirs.
Roger Nols gagne largement les élections de 1976 et commence à inquiéter les ténors du FDF dont Antoinette Spaak, André Lagasse, Lucien Outers et François Persoons.
Nols est sur sa lancée et pense déjà au futur avec la mise en place de son mouvement quelques années plus tard « les Nouvelles Orientation pour les Libertés Scharbeekoises ».
Le ciel schaerbeekois va doucement commencer à s’assombrir.
A demain.