Episode 40 : C’était au temps où Schaerbeek inaugurait…

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Troisième partie : Action consciente – Episode 40

Vous vous souviendrez des travaux d’aménagement d’une piste de skateboard dans le parc Renan réalisés en dépit du bon sens. Un mois plus tard, nous n’avons toujours pas vu le moindre utilisateur et pour cause…

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Je décide d’enfoncer le clou. Nous avions pourtant attiré l’attention du Collège (en la personne de l’Echevin des travaux  publics Claude Paulet) sur le ridicule de l’initiative et sur l’erreur de rompre les contacts avec la fédération de skateboard. Pour ce faire, nous estimons qu’il vaut mieux rester dans ce « surréalisme schaerbeekois », en réalisant avec les jeunes une « sculpture » que nous installons en grande pompe au pied de la piste, avec la mention « Au Skateur Inconnu ».

Avec le recul, cet événement fut vraiment très humoristique. Mais pas aux yeux de tous. Mis à part Léon Weustenraad, le Collège n’a absolument pas ri. A noter que l’œuvre fut éphémère… Car dès que nous avons eu le dos tourné, le service de la Propreté a tout démonté. Dans l’après- midi, un coup de téléphone anonyme m’a signalé l’endroit où je pouvais récupérer l’« œuvre ». Celle-ci a trôné plusieurs années à l’entrée de mon bureau.

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Dans la salle Charbo, les activités trouvent rapidement leur vitesse de croisière : « Bouton blanc » continue à se développer. Les animations sportives ont été boostées par le soutien inespéré du « Roi Pelé ». Et tout ceci, sans un centime du budget communal. Cela tient vraiment du miracle. C’est peut-être ça, le surréalisme schaerbeekois !

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Une autre bombe politique explose alors : la médiatrice envoyée par la Région de Bruxelles-Capitale Sfia Bouarfa est remerciée par le Collège. Alors que le Ministère fédéral de l’Intérieur avait envoyé des assistants de concertation, la Région présidée par Charles Picqué, avait préféré proposer aux communes à forte population immigrée des médiateurs sociaux. Schaerbeek avait marqué son accord à condition que le médiateur/trice soit Belge (ce qui était le cas de Sfia).

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Elle était certes parvenue à nouer des contacts avec le Collège mais la plupart du temps, celui-ci faisait mine de  l’ignorer. Elle avait aussi réussi à tisser bien des liens avec des familles schaerbeekoises. Ce travail de proximité avait cependant fini par irriter les ultras du Collège qui lui reprochaient de dépasser le cadre de ses compétences, notamment parce qu’elle avait contacté directement l’Office des étrangers sans passer par l’échevin de l’Etat civil. Son renvoi créa un vif tollé, mais Sfia Bouarfa n’en avait pas encore fini avec Schaerbeek. Ce départ me conforte dans la volonté de créer un mouvement citoyen : la naissance de « Schaerbeek la Nouvelle » est imminente.

Apparaît alors à Schaerbeek un nouveau personnage dont on va parler abondamment : un certain Johan Demol. A l’époque, en 1992, la police communale est à bout de souffle. Les coupes budgétaires ont réduit les effectifs de façon dramatique. Suite au départ à la pension de Victor Mathijs, se sont succédé deux commissaires faisant fonction. Le manque de moyens et de soutien communal limitent leur marge de manœuvre. Ils ne peuvent pas grand-chose face à la déliquescence du corps de police. Il est grand temps de lui donner du sang neuf.

Arrive alors un candidat extérieur au CV intéressant. Johan Demol est un ancien officier de gendarmerie, instructeur au centre de formation de la police.

Il faut admettre que l’arrivée de Demol est déterminante : les choses vont se transformer à une vitesse fulgurante. Tout d’abord, Johan Demol fait son tri dans les 240 membres du service : les « douteux » à ses yeux, les malades de longue durée ou « les pas d’accord » avec la nouvelle donne,  sont mis sur le côté. Dans le même temps, le Collège augmente de 150 % les moyens de fonctionnement de la police communale.

Dans les mois qui suivent, nous assistons à l’arrivée de 200 nouveaux policiers, quasiment tous anciens élèves issus des formations données par Johan Demol. Les jeunes recrues taillées dans le granit, tranchent avec certains anciens ayant déjà plusieurs longues années de service, plus habitués au travail administratif que de terrain ou tout simplement plus au courant de la vie de quartier.

Cette ancienneté leur donnait une certaine légitimité naturelle en cas de problème de voisinage ou de troubles dans un bistrot. Avec la nouvelle génération qui débarque massivement à Schaerbeek, on est d’emblée dans une autre galaxie.

En outre, cette année-là, la firme Peugeot fait probablement la plus mauvaise affaire du siècle sur Bruxelles en signant un contrat de trois ans en full leasing pour 20 véhicules de patrouilles destinés aux nouvelles recrues. En l’espace de deux ans, en effet, on constate pas moins de 42 sinistres dont 9 sinistres totaux sans compter les pneus, les plaquettes de frein et les amortisseurs dont l’espérance de vie était désormais très limitée.

Un matin, je croise Léon Weustenraad, sortant du bureau du nouveau Bourgmestre Francis Duriau. L’homme est visiblement très contrarié. Il me lance « Ca va fils ? » Je lui réponds par l’affirmative. Il continue à avancer vers l’ascenseur, j’entends un bruit sourd et me retourne. Léon gît au sol.

A demain.