Conclusions

Que de temps et de chemin parcourus, que de souvenirs, bons et parfois moins bons, mais tous importants, marquants, partie intégrante de cette histoire. Quel bonheur de pouvoir parler sereinement de notre Schaerbeek.

Prendre la décision de tourner une page, une longue page, aussi remplie n’est pas facile mais à ce jour, c’était le moment de le faire pour que demain il ne soit pas trop tard.

Pour moi, la vie est en guise de métaphore un long tapis roulant que l’on emprunte  dès sa naissance. Au cours des premières décennies, il roule vite,  plus vite que l’évolution de son décor sociétal. Ensuite le rythme se ralentit un petit peu, ce qui permet de suivre son environnement de manière synchronisée et puis c’est le  rythme de l’évolution sociétale qui accélère,  le décor dépassant cette fois  la vitesse du tapis roulant.

Plutôt que de courir derrière le temps, je suis de ceux qui préfèrent passer le flambeau à la jeune génération qui sera mieux en mesure de faire avancer les choses, étant en adéquation temps/décor sociétal.

En quatre décennies de politique à Schaerbeek, c’est un euphémisme de dire que le contexte a bien changé, que les choses vont de plus en plus vite, souvent de manière superficielle au détriment de l’essentiel, à force de vouloir tout et son contraire. Utiliser le mal pour changer le bien est une alchimie qui n’est pas sans risque.

Je garde confiance en l’avenir grâce à celles et ceux  qui seront les passeurs de nos valeurs essentielles, celles et ceux qui seront les garants de leur préservation face aux divisions engendrées par les idéologies liberticides, politiques et religieuses, qui créent des peurs plutôt que de conscientiser chacun sur les valeurs citoyennes essentielles.

Mais avant de changer le décor qui défile sous mes yeux, j’avais envie de parler ouvertement avec tout mon cœur, mon ressenti, mes émotions, mes souvenirs et mes espoirs avec Schaerbeek. Cette commune où j’ai grandi, vécu, travaillé. Cette commune dont je pense –avec humilité- être l’un des rares à en connaître presque tous ses chemins, ses recoins, ses joies et ses peines.

Cette commune qui n’est pas chevillée à mon corps mais à mon cœur.

Jean-Pierre : Alors Schaerbeek, comment vous sentez-vous aujourd’hui en 2018 ?

Schaerbeek : Jean-Pierre, je vais me permettre de te tutoyer depuis toutes ces années au cours desquelles nous n’avons cessé de nous côtoyer. Je me sens en 2018 plutôt en bonne forme pour répondre à ta question.

Tu te souviens peut-être, même si tu étais encore un enfant, que dans les années 60, je vivais relativement bien avec mes acquis du passé. J’avais peu de tracas. J’étais gérée par Gaston (Williot), homme de rigueur. Ce n’était pas spécialement drôle mais la politique dans ces années-là, était synonyme de rigueur, austérité et grande déférence. Tu vas en sourire mais il aurait été impensable qu’un agent communal emprunte le même ascenseur que le bourgmestre ou un échevin. Cela aurait été jugé irrévérencieux. Si, si je te l’assure !

Jean-Pierre : Ton quotidien a ensuite connu Roger Nols

Schaerbeek : Oui, tel un cheval de Troie, un certain Roger (Nols) que tu as bien connu, m’a mise dans tous mes états. Il a changé mes habitudes, ma petite routine bien huilée.

Je le répète, il me mettait vraiment dans tous mes états mais c’était aussi pour me protéger de projets gouvernementaux. On voulait me couper en deux avec une autoroute reliant l’aéroport au futur quartier Manhattan. Quelle horreur !

Mon beau parc (Josaphat) a été transformé durant 15 jours en un site rappelant Woodstock, avec une explosion de vie, de joie et d’expressions artistiques en tous genres. Ce n’était pas trop ma tasse de thé mais je me rendais compte que les jeunes appréciaient, alors j’en étais contente.

Et puis petit à petit des nuages sont apparus, de plus en plus nombreux. Bien sombres voire noirs au point de m’empêcher d’apercevoir le soleil.

Jean-Pierre : Je te sens bouleversée d’en parler

Schaerbeek : Oui, en y repensant, j’ai une petite boule au fond de ma gorge. J’ai alors eu dans les années 80 le sentiment d’être abandonnée. Mon nom devenait synonyme de doutes, de peurs, de clichés négatifs. Bref, j’étais « à éviter ».

C’était dur car on s’occupait encore de mon dessus mais je ne recevais plus les soins élémentaires pour mon bas. Tu comprends ce que je souhaite t’exprimer ?

Jean-Pierre : Oui, c’est une belle métaphore

Schaerbeek : Et puis voilà que tu arrives en plein micmac. Je vais être franche et sincère avec toi. Au début, je me suis dit « Il ne manquait plus que celui-là.. ». J’entendais les remarques des uns et des autres à ton égard. Je t’avais un peu perdu de vue depuis ton enfance alors je ne savais pas trop bien qui croire.

Mais franchement, assez rapidement, tu m’as fait sourire car quel bordel tu as foutu ! Tu les as vraiment mis à bout au Collège du fond de ton bureau du sous-sol de l’Hôtel communal. Tu n’avais qu’un reliquat de budget mais tu possédais l’essentiel : des idées et des projets concrets et novateurs pour nos jeunes.

Roger (Nols) qui jette le gant, les disputes de chiffonniers pour sa succession, Léon (Weustenraed) qui reprend la place, tes attributions scabinales retirées,… Ce fut mouvementé !

Jean-Pierre : Oui, le retrait de mes attributions, ce ne fut pas un moment facile car je n’étais pas encore très expérimenté et au Conseil communal on ne m’a pas raté…

Schaerbeek : Je m’en souviens. J’avais mal au cœur pour toi mais tu t’es redressé grâce à tes soutiens amicaux. Tu m’as épatée d’avoir la peau si solide. Il faudra un jour que tu me présentes à Didier (Gosuin) qui est chaque fois venu à la rescousse pour te conseiller et t’aider, nous aider.

J’ai été très marquée lorsque Léon (Weustenraed) épuisé, est pratiquement mort dans tes bras. Quel gâchis…

Avec Francis (Duriau), on criait moins en réunions du Collège. Je préférais, je n’ai jamais aimé lorsque l’on criait.

J’ai compris que tu n’étais plus esseulé au début des années 90. Tu t’es rapproché de Bernard (Clerfayt) et Michel (De Herde) et du FDF. Vous étiez alors à mes yeux un peu la dream team. Vous étiez complémentaires. Je me sentais bien lorsque je vous écoutais disserter sur toute une série de projets. Je sentais bien que vous me vouliez du bien.

Jean-Pierre : Toi qui t’étais endormie pendant plusieurs années, n’as-tu pas éprouvé trop de difficultés à te remettre dans le rythme ?

Schaerbeek : Ton machin que tu avais créé, « Schaerbeek la Nouvelle » m’a d’abord intrigué mais je dois avouer que j’ai compris que cela me ferait du bien. Je ne suis pas devenue Schaerbeek la Belle, je ne veux pas passer pour vaniteuse mais quand même…

J’ai apprécié les années où Francis (Duriau) gérait en bon père de famille un arc-en-ciel au Collège (FDF-PSC-Ecolo et PS). Roger (Nols) a essayé de revenir mais nous avons maintenu notre cap de changements.

Jean-Pierre : Je te sens nostalgique de Francis Duriau comme bourgmestre

Schaerbeek : Oui c’est vrai. Il était médecin de formation et cela se ressentait dans son empathie. Oui je l’aimais bien. Aussi lorsqu’un dénommé Daniel (Ducarme) s’est vu pousser des ailes après son parachutage chez nous, j’étais sur mes gardes.

Mais bon au final, c’est Bernard (Clerfayt) que j’avais vu mûrir qui a repris la barre. J’étais fière de toi, de ton score personnel aux élections de 2000. Cela démontrait que le contact humain est important. Mais bon, tu en faisais aussi toujours des tonnes.

Jean-Pierre : Dans quel domaine ?

Schaerbeek : Tu te souviens du méga échevinat que tu gérais? Propreté publique, espaces verts, classes moyennes, seniors, travaux publics et folklore. Excuse-moi mais c’était beaucoup pour un seul homme. Mais toi tu étais monsieur 100.000 volts. Du matin au soir, du lundi au dimanche. Tu n’avais pas de cesse. Au détriment à la longue de ta santé et de ta vie privée.

Jean-Pierre : Oui j’avais des cernes, c’est vrai. De gros cernes mais j’étais à fond dans mes projets, m’appuyant sur mes services. A cette époque-là, partir en vacances pour me reposer, ce n’était pas dans mes gênes mais rassure-toi j’ai bien évolué de ce côté-là. Et je le savoure d’autant plus.

Schaerbeek : Oui, je ne dis pas que tu ne t’investissais pas mais c’était quand même beaucoup de charges. Je vais te confier que j’ai été toute excitée lorsque tu m’as permis de retrouver l’un de mes bijoux perdus : le cortège carnavalesque.

Puis je t’ai vu au fil de cette mandature, moins optimiste, moins motivé. Tu ne trouvais plus ce feu sacré dont tu as tant besoin. J’étais inquiète pour toi, pour moi, pour nous.

Jean-Pierre : Et j’ai fait le choix mûrement réfléchi de rejoindre en 2006 le PS

Schaerbeek : Est-ce que tu n’as pas trop fonctionné avec passion et émotions ?

Jean-Pierre : Pour être franc, je n’ai fonctionné qu’avec passion et émotions. Sans passion, nous n’aurions pas aujourd’hui cette conversation. Je vais te donner un exemple parmi tant d’autres : sans passion et sans les personnes passionnées et passionnantes qui ont été à mes côtés, tu n’aurais jamais retrouvé aussi vite la propreté de tes artères.

Si je n’avais pas fonctionné avec passion et émotion, je serais peut-être resté au sein des collèges échevinaux suivants mais dans quel état d’esprit et de motivation ? Et puis alors, tu n’aurais probablement jamais accepté que nous ayons cette franche conversation au vu de ton devoir de réserve.

Schaerbeek : Certes…

Jean-Pierre : Tu vois Schaerbeek,  je resterai convaincu jusqu’au bout que le parti de Laurette a quelque chose à apporter à notre population qui ne comprend pas ce que veut dire « Park To Be », « Citizen Lights ». Il y a eu de belles réalisations par le biais de subsides régionaux et fédéraux. Tu as bien été repomponnée.

Schaerbeek : Jean-Pierre,  tu me fais frissonner ! Ceci dit, l’opposition ne te va pas si mal non plus.

Jean-Pierre : C’est un autre exercice que de se trouver de l’autre côté de la barrière mais on s’y adapte à la longue. Au début, dans mes interventions pas toujours des meilleures, j’étais un peu chien fou mais j’ai beaucoup observé, appris en vue de présenter avec mes compagnons un groupe d’opposition constructive, sensée et raisonnée.

Schaerbeek : Cela m’a fait quelque chose ton départ dans l’opposition mais je pense aussi égoïstement à moi et tu ne me contrediras pas si je te dis que l’on s’est beaucoup occupé de mon look depuis 2006. Et aussi de mon image. Il est loin le temps où lorsqu’en 1991 dans un avion qui t’amenait en Corse, ton voisin de siège avait failli s’étrangler lorsque tu lui avais dit que tu vivais à Schaerbeek.

Mon nom n’a pas toujours été facile à porter mais aujourd’hui je sens que c’est tout différent. Les « bobos », comme on les nomme, de la région bruxelloise désirent me rejoindre, les lieux dits branchés et prisés par ce même public se multiplient. A ce propos, quand tu le verras, remercie Eric (Platteau) pour son blog à qui je dois énormément dans la reconquête de ma notoriété.

Sans être présomptueuse, je suis redevenue si fière de moi et j’espère que cela continuera.

Jean-Pierre : Quel serait ton rêve quant à ton épanouissement pour les prochaines années ?

Schaerbeek : Je te dis les choses franchement, n’est-ce pas ?

Jean-Pierre : Oui pas de tabou entre nous

Schaerbeek : Tout d’abord, j’espère garder Bernard (Clerfayt) encore quelques années car il m’a apporté beaucoup de bonnes choses. Mais pour que cela reste bien mesuré et équilibré, je souhaite qu’il continue à me diriger en coalition, les majorités absolues ne sont jamais bonnes conseillères. Tu vois une coalition entre 3-4 partis comme au temps de Francis (Duriau) de 1994 à 2000. Et puis, des élus de partis d’extrême droite ou d’extrême gauche, il ne m’en faut pas. Le populisme m’a tellement fait de mal que je ne peux le concevoir. Il m’a fallu près d’un quart de siècle pour m’en remettre…

Je l’aime donc bien d’une certaine façon Bernard (Clerfayt). Pourquoi l’avoir quitté ce jour de mars 2006 ?

Jean-Pierre : Je vais aussi te répondre en toute franchise. Au fil des ans, Bernard (Clerfayt) a attiré dans son sillage de nombreuses personnalités politiques. Toutes, je le pense, l’ont sous-estimé. Moi je suis parti car je l’ai tout simplement surestimé.

Prends soin de toi Schaerbeek car les tempêtes ne sont jamais loin.

Schaerbeek : Je ferai attention et toi, promets-moi de bien t’occuper de toi, de ta santé et de ceux que tu aimes. Ils ont été si patients.

Jean-Pierre : C’est promis, sois-en certaine. Bon vent Schaerbeek !